Miss Schizophrénie
Le mois dernier, pendant que vous vous intéressiez aux scrutins politiques en tous genres (Tunisie, UMP…), je me passionnais pour les concours de beauté. C’est mon côté "bonne femme", diriez-vous. Avant Miss France, ce fut Miss Monde Muslimah. Et vous savez quoi ? La lauréate de la quatrième édition du concours de beauté islamique, qui a eu lieu le 21 novembre en Indonésie, était… tunisienne !
Une certaine Fatma Ben Guefrache, distinguée parmi les 26 candidates tous voiles dehors. Ma compatriote de 25 ans a pleuré de joie. Et moi de dépit. Il me fallait admettre, en effet, que le Printemps tunisien était passé par là. Que les filles de Bourguiba – qui n’avaient rien à envier à celles de Mme de Fontenay – pouvaient aujourd’hui troquer le code du statut personnel contre celui de la morale islamiste.
Vous vous demandez ce qui différencie une Miss Islam d’une Miss "normale" ? Eh bien, le tout. C’est-à-dire le corps. Car si l’on peut juger du visage de la belle, rien ne renseigne sur le dessous de la bête, à moins d’y aller avec caméra infrarouge. En outre, les épreuves comprennent un test de piété et une bonne aptitude à réciter le Coran.
Pourquoi singer l’Occident sur le superflu au lieu de rivaliser avec lui sur le progrès, la discipline ou l’égalité des sexes ?
Autrement dit, quand le Jean-Pierre Foucault local tend son micro pour interroger la Muslimah, elle peut y aller avec une sourate assortie d’une prière à la gloire de la Oumma. Ce que Guefrache n’a pas manqué de faire : "Puisse Allah tout-puissant m’aider dans cette mission et libérer la Palestine. S’il vous plaît, s’il vous plaît, libérez la Palestine et le peuple syrien", a-t-elle sangloté au moment de recevoir son prix – une montre en or et un pèlerinage à La Mecque -, pendant que je sanglotais aussi. De dépit, toujours.
Cette compétition se veut une riposte au concours Miss Monde. Et moi, je me demande pourquoi vouloir faire comme les "infidèles" si on ne les aime pas. Pourquoi singer l’Occident sur le superflu au lieu de rivaliser avec lui sur le progrès, la discipline ou l’égalité des sexes ?
Et pourquoi choisir le terrain le plus épineux de notre religion, à savoir le corps de la femme, sujet de discorde depuis quatorze siècles ? Les salafistes ne s’y sont pas trompés d’ailleurs, qui ont dénoncé un "concours de prostituées". Ils préfèrent sans doute les marchés de femmes esclaves de Daesh aux podiums des Miss de Jakarta…
Il reste que, sur le fond, l’initiative est contraire à l’orthodoxie musulmane. Les croyantes ne doivent pas s’afficher sur la place publique et encore moins devant les regards du monde entier, fussent-elles couvertes de pied en cap. Le voile est fait pour les rendre anonymes et non pour les exposer sous le feu des projecteurs. Elles sont appelées à être de bonnes mamans derrière les murs et non des pin-up sur scène.
Enfin, le concept de pudeur, haya’, qui fait de la gent féminine le symbole même de l’intimité des sociétés islamiques, se trouve bel et bien bafoué. Mais, comme tout le monde le sait, les enturbannés, tous sexes confondus, ne sont pas à une contradiction près. S’il y avait un concours pour les faux jetons et les hypocrites, ils remporteraient le trophée.
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