Mali : l’album « Kiriké » de Kassé Mady Diabaté, pour apaiser les moeurs
Descendant d’une grande dynastie de griots mandingues, Kassé Mady Diabaté (65 ans) est en tournée en Europe, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Kiriké. Pour Salif Keita, il est « le plus grand chanteur du Mali ».
"Je ne suis pas allé à l’école et je ne parle pas bien français. C’est pour ça que je ne suis pas connu à l’étranger." En quelques mots, l’un des griots les plus connus du Mali explique son manque de reconnaissance à l’étranger, et particulièrement en France.
Enfant de l’indépendance, Kassé Mady Diabaté a grandi dans un rêve de liberté, de fraternité et de paix. Son dernier album, Kiriké, sorti chez No Format – label qui fête au passage ses dix ans d’existence – ne parle que de ça. Certains titres, comme "Hera", "Sadjo" ou "Ko Kuma Magni", tirés du répertoire traditionnel, louent les vertus du dialogue et de la solidarité et rencontrent un écho particulier alors que le Mali traverse une longue crise politique.
Volontairement dénué de tout artifice, l’album a été enregistré au plus près du son acoustique traditionnel. La voix de Kassé Mady Diabaté y prend toute sa dimension, simplement accompagnée d’un balafon, d’un n’goni et d’une kora. "J’ai essayé d’être moderne, mais ça n’a pas marché", confie l’artiste. Avec son chapeau de travers et ses lunettes de soleil, Kassé Mady Diabaté a conservé quelque chose de l’époque lointaine des bals du samedi soir, au buffet de l’hôtel de la gare de Bamako, rendus célèbres par les photographies de Malick Sidibé.
Son visage s’illumine quand on lui parle de Modibo Keita, le premier président, qui avait mis en place le système des orchestres nationaux. "Lorsque je faisais mon service militaire, on m’a demandé une fois de chanter pour l’accueillir. C’était le jour du coup d’État !" Depuis, ce fils de la campagne, originaire du village mandingue de Kela, est passé par le mythique Badema National, avant de côtoyer Toumani Diabaté, Ballaké Sissoko et quelques pointures comme Ketama, célèbre groupe de flamenco espagnol.
Mandé, terre de légendes
Kassé Mady Diabaté a vécu en France dans les années 1980, mais, faute de réussite, il est rentré. Et après tout, quand on vient du Mandé, cette terre de légendes qui fut le coeur du plus grand empire malien, a-t-on vraiment besoin d’aller voir plus loin ? Musulman pratiquant, Kassé Mady Diabaté, qui revient tout juste du pèlerinage à La Mecque, n’a pas oublié la vocation principale du griot : célébrer les mariages, apaiser les tourments.
Il n’hésitera pas à se rendre au chevet d’un mourant d’Ebola. "Tant qu’il n’y a pas de contact, je ne risque rien. Je crains surtout de ne pouvoir chanter par tristesse." Une tristesse qui n’est pas absente de Kiriké, exacerbée par les notes mélancoliques du violoncelliste français Vincent Ségal. "Kiriké, c’est la selle du cheval.
Autrefois, quand on était content d’un griot, on lui offrait une nouvelle selle." Diabaté éclate de rire quand on lui rappelle le vieil adage français "Qui veut voyager loin ménage sa monture" et répond : "Je l’ai peut-être appris trop tard." Sa chanson fétiche, "Sori", vante les mérites du chasseur qui se lève tôt. "Moi, je veux m’acheter un tracteur et travailler aux champs dans mon village près du fleuve Niger." À 65 ans, Kassé Mady Diabaté a conservé la fraîcheur d’un homme-enfant qui s’étonne encore des petites choses de la vie.
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