Corée du sud : l’héritière, l’hôtesse et les cacahuètes

Être la fille du patron de Korean Air ne donne pas le droit de traiter comme un chien le petit personnel ? Décidément, les traditions se perdent au pays du Matin clair !

Cho Hyun-ah en septembre 2014 à Séoul © Yonhap/AFP

Cho Hyun-ah en septembre 2014 à Séoul © Yonhap/AFP

Publié le 26 décembre 2014 Lecture : 2 minutes.

"Une gosse de riche qui se paie des caprices de princesse, c’est une honte !" Pour Yim Sondok comme pour des millions de Sud-Coréens, la coupe est pleine. "Il faut, dit-il, que les grands patrons et leurs familles arrêtent de se comporter comme s’ils étaient au-dessus des lois." Les yeux rivés sur les images que diffuse un écran géant dans le quartier de Myeongdong, à Séoul, l’homme ne décolère pas.Sur la vidéo reprise en boucle, une femme en redingote sombre et pantalon noir, sac à main entre les jambes, s’incline.

À voix presque inaudible, elle présente ses excuses au peuple coréen et à Korean Air, la société que dirige son père. Les excuses publiques sont un peu le sport national coréen. Celles du commandant du Sewol, le ferry dont le naufrage, au printemps dernier, provoqua la mort de 295 personnes, sont encore dans toutes les mémoires. Cette fois, Dieu merci, on ne déplore aucun mort. Le scandale se résume à une triste histoire de cacahuètes – pardon, de noix de macadamia. D’ailleurs, les Sud-Coréens lui ont trouvé un surnom sans équivoque : le Nutgate. Flash-back.

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Cho Hyun-ah offensée

New York, 5 décembre. Cadre dirigeant de Korean Air et, accessoirement, fille aînée de Cho Yang-ho, le PDG de la compagnie, Cho Hyun-ah prend place dans un avion à destination de Séoul. Sans le lui avoir demandé au préalable, comme le stipule le règlement, une hôtesse lui présente des noix de macadamia salées pour accompagner son apéritif. Comble de l’offense, au lieu de les disposer sur une soucoupe en porcelaine, comme il est d’usage en première classe, elle les sert dans leur sachet. Et là, c’est le drame !

Dame Cho entre dans une rage folle et convoque le chef de cabine qui, flanqué de la malheureuse hôtesse, s’agenouille devant elle et, au comble de la confusion, bredouille quelques excuses. Rien n’y fait, insultes et noms d’oiseau volent. L’avion, qui était sur le point de décoller, fait demi-tour. Et le chef de cabine est contraint d’en descendre. Comment s’opposer aux volontés de la fille du patron ? Quand le pot aux roses a été découvert, ledit patron n’a pas eu le choix : il a fait son mea culpa télévisé et regretté publiquement d’avoir aussi mal élevé sa fille.

Depuis, celle-ci a d’ailleurs démissionné de ses fonctions. Cela n’a pas suffi à apaiser la colère de ses compatriotes, qui dénoncent l’omnipotence de la poignée de grandes familles à la tête des chaebol, ces puissants conglomérats industriels qui contrôlent l’essentiel des richesses du pays. L’affaire ne pouvait tomber plus mal pour la présidente Park Geun-hye, dont la popularité est ébranlée par la multiplication des scandales.

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Ces jours-ci, le Memogate, une sombre histoire de trafic d’influence, fait par exemple la une des journaux. Or Chung Yoon-hoe, un conseiller de la présidence, et Park Ji-man, le propre frère du chef de l’État, y sont impliqués. L’un des policiers accusés d’avoir organisé la publication du document qui a déclenché l’affaire se serait même suicidé. Sommée de se taire, la presse hurle à l’atteinte aux libertés. Est-ce le retour de la censure, comme au temps du dictateur Park Chung-hee (1961-1979) ? Il se trouve que Park est le père de l’actuelle présidente…

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