Meurtres de Noirs par la police aux États-Unis : arrêtez le massacre !

Depuis 2006, une centaine de jeunes Noirs sont tués chaque année par des policiers blancs. Le plus souvent sans raison. Et en toute impunité.

Une manifestation sur Pennsylvania Avenue, le 13 décembre à Washington. © Jose Luis Magana/AP/SIPA

Une manifestation sur Pennsylvania Avenue, le 13 décembre à Washington. © Jose Luis Magana/AP/SIPA

Publié le 25 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

La vague d’indignation suscitée aux États-Unis par l’abandon des poursuites contre les policiers blancs responsables de la mort de Michael Brown et d’Eric Garner, deux Africains-Américains non armés, ne retombe pas. Elle a culminé le 13 décembre avec des manifestations contre la violence policière à travers tout le pays. En particulier à Washington DC, où le cortège était conduit par le révérend Al Sharpton, et à New York, où au moins 25 000 personnes ont défilé dans les rues de Manhattan.

De tous âges et de toutes origines, les manifestants scandaient des slogans comme "Black lives matter" ("les vies noires comptent"), "Hands up, don’t shoot" ("mains en l’air, ne tirez pas") ou "I can’t breathe" ("je ne peux plus respirer"), phrase prononcée par Eric Garner lors de son étranglement par un policier new-yorkais. "Nous vivons un instant historique", a déclaré la mère de ce dernier devant le Capitole. Des actions plus symboliques se sont également multipliées.

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Le 30 novembre, cinq joueurs noirs de l’équipe de football américain de Saint Louis sont entrés sur le terrain en levant les mains en silence. Le 11 décembre, ils ont été imités par des parlementaires et des employés du Congrès, sur les marches du Capitole. Des stars du sport comme le basketteur LeBron James ont affiché leur solidarité en arborant des tee-shirts "I can’t breathe" lors des échauffements d’avant-match.

41 balles pour Amadou Diallo

Il est vrai qu’on ne compte plus les Africains-Américains tués par la police. Le quotidien USA Today en a recensé 96 par an, en moyenne, entre 2006 et 2012. Une autre statistique fait froid dans le dos : un jeune Noir risque vingt et une fois plus qu’un jeune Blanc d’être victime d’une bavure. Et leurs auteurs sont assurés d’une quasi-impunité. Les exemples, hélas, ne manquent pas. En février 1999, quatre policiers blancs tuent de 41 balles Amadou Diallo, un immigrant guinéen, dans le vestibule de son appartement du Bronx. Verdict ? Acquittement.

Le 16 mars 2000, un vigile non armé nommé Patrick Dorismond est abattu lors d’une bagarre à l’extérieur d’un bar de Manhattan par Anthony Vasquez, un policier en civil de la brigade des stups. Verdict ? Acquittement. Le 25 novembre 2006, Sean Bell est tué par balle la veille de son mariage sur le parking d’une discothèque du Queens. Trois policiers furent contraints de quitter la police, mais à l’issue de leur procès, en 2008, le verdict fut toujours le même…

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Seuls deux policiers new-yorkais ont fait de la prison pour des faits de ce type : Justin Volpe, qui, en 1997, fut reconnu coupable d’avoir torturé l’immigrant haïtien Abner Louima ; et l’officier Francis Livoti, qui, le 22 décembre 1994, étrangla de ses mains un certain Anthony Baez – le jeune homme avait malencontreusement lancé un ballon sur le capot de sa voiture… Ils furent respectivement condamnés à trente et à sept ans et demi de prison. Quant à Louima, il obtient de la ville de New York une indemnisation record de 8,75 millions de dollars…

Usage excessif de la force contre les jeunes Noirs

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Le problème est partout le même. Au terme d’une enquête de deux ans, le ministère de la Justice a ainsi estimé que la police de Cleveland, dans l’Ohio, avait tendance à faire de la force un usage excessif contre les jeunes Noirs. C’est dans cette ville que Tamir Rice, 12 ans, qui tenait dans les mains un pistolet factice, a été tué, en novembre, par le policier Tim Loehmann. Ce dernier a ouvert le feu deux secondes après être descendu de son véhicule et, semble-t-il, sans sommation.

Deux ans auparavant, dans une autre ville, il avait été jugé inapte au service en raison d’un fâcheux manque de sang-froid. En 2010 et 2011, à Miami, en Floride, sept Noirs ont été tués en huit mois. Autre enquête du ministère de la Justice et résultat identique : usage excessif de la force. Même chose à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, où 23 Noirs ont été flingués sans raison depuis quatre ans.

Depuis cinq ans, une vingtaine de procédures ont été engagées contre des polices locales. Deux fois plus qu’au cours des cinq années précédentes.

Depuis qu’un Africain-Américain, Eric Holder en l’occurrence, a été nommé procureur général des États-Unis, il y a cinq ans, une vingtaine de procédures ont été engagées contre des polices locales. Deux fois plus qu’au cours des cinq années précédentes. Ce même Holder n’hésite pas à poursuivre des policiers relaxés au niveau local. C’est ainsi que Darren Wilson fait l’objet d’une enquête fédérale afin qu’il soit établi s’il a violé les droits de Michael Brown. Le policier blanc qui, dans un magasin Walmart de l’Ohio, a, au mois d’août, abattu John Crawford III est dans le même cas.

Le seul tort de la victime ? Elle tenait à la main une carabine à air comprimé qu’elle venait d’acheter… Mais ne désespérons pas, il arrive quand même que des policiers soient condamnés. C’est le cas Johannes Mehserle, qui, en 2009, tua Oscar Grant III dans le métro à Oakland (le drame a inspiré le film Fruitvale Station). En Caroline du Sud, un jury public vient d’inculper pour meurtre l’ancien chef de la police d’Eutawville. Même chose à Charlotte, Caroline du Nord, pour Randall Kerrick. C’est la première fois dans cette ville depuis plus de trente ans qu’un policier en service est ainsi mis en cause. Mieux vaut tard que jamais.

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