Robert Oakley, hommage à un homme rare
Le diplomate américain Robert Oakley est décédé le 10 décembre. Zaïre, Somalie, Liban, Pakistan… Cet ami de Jeune Afrique a été de toutes les négociations difficiles, qu’il a marquées de son talent.
Avec le seigneur de guerre Mohamed Farrah Aidid, à Mogadiscio, en 1993. © Scott Applewhite/AP
Publié le 23 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.
Il avait le ton mesuré, une compréhension réelle du monde rare aux États-Unis. Une forme de noblesse, d’élégance, rare à Washington. Et une manière de dire le fond de sa pensée, sans langue de bois, rare chez les diplomates.
Robert B. Oakley nous a quittés le 10 décembre, à l’âge de 83 ans. C’était un grand ami de Jeune Afrique. Il a connu BBY en 1969, lors de l’un de ses passages à Paris. Leur amitié a survécu aux contraintes qu’imposaient deux métiers très différents, celui de journaliste panafricain et celui de diplomate américain…
J’ai eu la chance de connaître "Bob" et son épouse, Phyllis, qui m’ont accueilli chez eux lors de mes premiers voyages américains, et qui m’ont soutenu de leur affection lors de mes études à Georgetown. Né à Dallas, Robert Oakley a grandi dans le Sud profond, en Louisiane.
Diplômé de Princeton, il devient l’un des diplomates les plus expérimentés du pays. Soudan, Côte d’Ivoire, France, Vietnam, Liban… En 1979, il est nommé ambassadeur à Kinshasa, où règne le tout-puissant maréchal Mobutu Sese Seko. Le "Léopard" est un allié essentiel de l’Amérique en cette période de guerre froide. Mais Oakley met le doigt là où ça fait mal : corruption, gabegie, détournements…
Nommé en Somalie (août 1982) au lendemain du conflit de l’Ogaden, il se plonge dans l’histoire, la culture qui façonnent le pays et le mènent droit à l’autodestruction. En 1988, autre mission à haut risque, il est nommé au Pakistan, à Islamabad.
Oakley, un fils du pays
Robert Oakley n’aime pas les postes tranquilles. Très au fait des questions de sécurité, il a été le patron du bureau du contre-terrorisme au département d’État (de 1984 à 1986, sous Ronald Reagan). C’est lui qui préviendra BBY des menaces libyennes contre J.A., effectivement frappé par un attentat le 15 mars 1986. Sans jamais verser dans le manichéisme américain, c’est un American boy, un fils du pays.
En 1991, il prend sa retraite active. Mais sera appelé une dernière fois à la rescousse par George Bush père, qui le nomme envoyé spécial en Somalie dans le cadre de l’opération Restore Hope, en 1992. Puis le président Bill Clinton le charge de "négocier sans concession" avec le seigneur de guerre Mohamed Farrah Aidid la libération de l’officier Michael Durant, abattu avec son hélicoptère lors de la bataille de Mogadiscio (octobre 1993).
Un épisode tragique raconté dans le film La Chute du faucon noir (Black Hawk Down). Oakley menace Farrah Aidid : " Si vous refusez, notre colère n’aura plus de limites. Cette partie de la ville sera entièrement anéantie, hommes, femmes, enfants, animaux… Ce sera une tragédie pour nous tous** ." À Washington, Bob et Phyllis auront formé un des power couples les plus informés , les plus modestes et les plus soudés de la capitale.
Phyllis n’est pas l’archétype de la housewife. Elle a mené une carrière de diplomate, occupant, de 1994 à 1999, le poste d’Assistant Secretary of State et de porte-parole. Les dernières années de Robert Oakley auront été marquées par un combat difficile contre un syndrome apparenté à la maladie de Parkinson.
Phyllis aura ce joli mot pour décrire la violence du mal et du temps qui passe : "We didn’t age the same way", "nous n’avons pas vieilli de la même manière". À elle, à ses enfants, Mary et Thomas, à ses cinq petits-enfants, toutes nos pensées et toute notre affection.
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* Président d’AM international, éditeur d’AM (Afrique Magazine) et d’AMB (Afrique Méditerranée Business).
** Extrait du livre Black Hawk Down, de Mark Bowden.
