Burundi : dix organisations de la société civile radiées ou suspendues et deux médias sanctionnés

Cinq organisations de la société civile viennent d’être radiées, cinq autres suspendues par le ministère de l’Intérieur. Presqu’au même moment, le Conseil national de la communication met en garde une radio et suspend une émission pour une chanson « inappropriée ».

Le président burundais Pierre Nkurunziza au défilé militaire à l’occasion de la fête de l’Indépendance du Burundi, le 1er juillet 2015, à Bujumbura. © Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

Le président burundais Pierre Nkurunziza au défilé militaire à l’occasion de la fête de l’Indépendance du Burundi, le 1er juillet 2015, à Bujumbura. © Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

Armel Bukeyeneza

Publié le 25 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Les organisations visées sont le Forsc (Forum pour le renforcement de la société civile), le Focode (Forum pour la conscience et le développement), l’Aprodh (Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues), l’Acat (Action chrétienne pour l’abolition de la torture) et le RCP (Réseau des citoyens probes), toutes des organisations réputées pour leur combat farouche contre le 3e mandat de Pierre Nkurunziza.

La mesure a été prise le 19 octobre par le ministre de l’Intérieur, et a suscité l’émoi dans le courant du weekend dernier. Le motif : «… les associations susvisées se sont écartées de leurs objectifs consignés dans leurs statuts et s’activent plutôt à ternir l’image du pays et à semer la haine et la division au sein de la population burundaise », avance l’ordonnance ministérielle.

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Les choses sont allées très vite et la liste des associations châtiées s’est allongée lundi 24 octobre : Cosome ( Coalition de la société civile pour le monitoring électoral), CB-CPI (Coalition burundaise pour la CPI), UBJ( Union burundaise des journalistes), Ligue burundaise des droits de l’homme « Iteka » et SOS torture Burundi sont toutes suspendues, accusées par le même ministère de « mener des activités qui ne sont pas en conformité avec leurs objectifs consignés dans leurs statuts mais qui sont plutôt de nature à perturber l’ordre et la sûreté de l’État ».

« Une chanson pas conforme à l’éthique professionnelle »

Une sentence qui est tombée quelques heures avant que les médias ne reçoivent eux aussi une sanction de la part du CNC (Conseil national de la communication) : Buja FM (ex-radio 10) « est mise en demeure pour un mois et priée de ne pas utiliser, sous peine de suspension de ses activités, l’identification de « Buja FM » jusqu’au jour où sa demande de changement de nom sera analysée et accordée par l’Assemblée plénière du CNC ». Un détail : Radio 10, actuelle Buja FM, s’occupe spécialement des infos culturelles, mais reste tout de même considérée comme une extension de Radio 10 basée au Rwanda, un pays dont les relations sont au plus bas avec le Burundi.

La Radio Isanganiro, une des deux radios qui ont pu rouvrir après leur destruction le 13 mai 2015 lors du coup d’État raté, vient de voir, quant à elle, une de ses émissions être suspendue : « Karadiridimba » qui donnait la parole aux Burundais de la diaspora pour commenter l’actualité du pays ne passera plus à l’antenne pendant un mois. Sa faute : « avoir introduit et joué le 16 août une chanson qui n’est pas conforme à l’éthique professionnelle et aux valeurs démocratiques et déontologiques », justifie Karenga Ramadhan, président du CNC. « Agateka ka zina muntu » (« Les droits de l’homme ») serait le titre de la chanson « indésirable », d’après un journaliste de la radio Isanganiro.

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La société civile vent debout

Pour le directeur de la station, le CNC a précipité les choses. « Il aurait dû nous avertir d’abord. Nous savons que certaines chansons sont considérées comme faites pour critiquer le pouvoir », estime Samson Maniradukunda.

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La société civile, elle, ne fait aucune concession. « La radiation de nos associations est un non événement. Même si le pouvoir de facto fait tout pour nous bloquer, notre lutte contre l’impunité continue », a vite réagi sur twitter Armel Niyongere, président de l’Acat et un des avocats « des victimes des crimes contre l’humanité au Burundi ».

Notons que parmi les leaders des cinq associations radiées figure Pierre Claver Mbonimpa de l’Aprodh, lauréat du prix Alison Des Forges 2016 de Human Rights Watch, qui vit aujourd’hui en exil après avoir été blessé par balles en 2015.

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