Burkina : les négociations entre les médias publics et le gouvernement interrompues
Depuis jeudi, plusieurs médias burkinabè sont à nouveau en grève. Un accord avec le gouvernement se dessinait pourtant en début de semaine. Les journalistes continuent de dénoncer l’ingérence des autorités dans le traitement de l’information, et réclament de meilleures conditions de travail. Entretien avec Sidiki Dramé, du syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (Synatic).
Début octobre déjà, les professionnels des médias publics avaient abandonné leur plumes, micros et cameras durant trois jours, pour les mêmes motifs. Le mouvement social, répondant à l’appel lancé par le Synatic, avait alors particulièrement perturbé le fonctionnement de la chaîne et du quotidien Sidwaya, qui n’était pas paru.
Trois semaines plus tard, et alors que le syndicat et le gouvernement, réunis autour de la table des pourparlers, étaient sur le point de conclure un accord, de nouveaux blocages ont surgi. Sidiki Dramé est le secrétaire général du Synatic. Il répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Les médias publics observent mercredi un mouvement de protestation de 96 heures. Quel bilan faites vous du suivi de cette grève?
Sidiki Dramé : Par rapport à la précédente grève que nous avons observée du 3 au 5 octobre dernier, la mobilisation est intacte. Je dirais que le mouvement est suivi à près de 100 % aussi bien à Ouagadougou (Sidwaya, RTB, directions des presses ministerielles et Service d’information du gouvernement) que dans les antennes régionales de Dedougou, Bobo-Dioulasso, Fada-N’Gourma. Cela nous encourage d’ailleurs à croire en la justesse de notre plate forme revendicative.
Celle-ci concerne la finalisation des plans de carrières et le reclassement des agents bloqués depuis 2004 dans trois catégories administratives (B1, A2 et A3). Le Synatic réclame également le rétablissement des rémunérations supprimées par la circulaire 2012 du Premier ministre, réglementant la gestion des deniers publics et la recrutement des pigistes comme agents publics. Enfin, le Synatic exige de relever le montant des indemnités du code vestimentaire actuellement de 9000 à 11 000 francs CFA à 200 000 francs CFA, ainsi que de la prime de risque à 150 000 francs CFA.
Les négociations avec le gouvernement étaient pourtant sur la bonne voie. Que s’est-il passé pour que le syndicat batte le rappel de ses troupes?
Effectivement, les pourparlers sous la houlette du Premier ministre avaient suscité beaucoup d’espoir chez les professionnels des médias publics, qui espéraient une sortie de crise. Il y a eu certes des avancés notables. La question de la reconstitution des carrières des agents bloqués dans les catégories administratives a connu une légère avancée à la RTB. Plusieurs dossiers connaissent un début de résolution pour les contractuels des établissements publics de l’État. En revanche à Sidwaya, un retard subsiste. Et pour les agents bloqués dans les catégories administratives, c’est le statu quo.
Par ailleurs, les conseils d’administration du quotidien public et de la RTB ont donné leur accord pour le rétablissement des frais de production. Mais le Synatic doit apporter ses amendements au texte final. Enfin, sur le montant des indemnités de code vestimentaire, l’accord avec le gouvernement propose 22 000 francs CFA avec une extension aux techniciens et aux agents du service d’information du gouvernement.
Vous étiez donc sur le point d’aboutir à un accord global?
Oui. Malheureusement, les débats ont achoppé sur la pierre angulaire de nos revendications : le passage de Sidwaya et de RTB en sociétés d’État. Cette réforme permettrait à ces organes de service public d’acquérir une indépendance économique et éditoriale. Après s’est montré dans un premier temps réticent, le gouvernement s’était décidé puisque le Premier ministre avait conditionné la prise du texte de loi à la production d’une étude assortie d’un chronogramme. Un comité de pilotage incluant le Synatic devait voir le jour à cet effet, et le syndicat était favorable à cette option.
Mais il a demandé la mise en place d’une phase de transition permettant d’améliorer les rémunérations salariales et indemnitaires. Le gouvernement n’a pas accédé à cette requête, estimant qu’elle créerait une vague de revendications chez les autres catégories de fonctionnaires. C’est de là que vient le blocage ; nous n’avons pas compris cette position et nous avons suspendu notre participation aux discussions le mardi 25 octobre. Les travailleurs ont décidé de durcir le ton.
Qu’attendez-vous de la part du gouvernement?
Qu’il lâche du lest en accédant à cette requête transitoire. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les professionnels des médias battent le pavé. Si le gouvernement nous tend la main, nous suspendrons le mouvement pour donner encore une chance au dialogue. Cela dit, l’impressionnant dispositif de police déployé autour des médias nous a choqué et ressemble fort à une tentative de bafouer le droit de grève des travailleurs du secteur public.
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