11 000 voix réclament justice pour le journaliste burundais Jean Bigirimana

Lundi 31 octobre, cela fera 100 jours que Jean Bigirimana manque à l’appel. Et l’espoir de le retrouver s’amenuise de jour en jour. Reporters sans frontières continuera vent debout à demander des comptes aux autorités du Burundi.

Cérémonie d’hommage à Jean Bigirimana au groupe de presse burundais Iwacu, jeudi 25 août. © Iwacu / DR

Cérémonie d’hommage à Jean Bigirimana au groupe de presse burundais Iwacu, jeudi 25 août. © Iwacu / DR

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  • Cléa Kahn-Sriber

    Cléa Kahn-Sriber a rejoint RSF comme responsable du bureau Afrique en 2013. Elle travaille depuis plus de dix ans sur les questions de droits de l’homme et de transition démocratique, au sein d’ONG mais également aux Nations unies et à l’OIF. Ayant vécu trois ans en RDC, elle continue de suivre tout particulièrement la situation dans les Grands Lacs.

Publié le 28 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Plus de 11 000 personnes ont déjà signé la pétition de l’ONG, qui exhorte le gouvernement burundais à ouvrir une enquête indépendante sur la disparition de ce journaliste, collaborateur du journal Iwacu et du média en ligne Infos Grands Lacs.

Face au silence, l’organisation répondra par le bruit. Ce silence, c’est ce qui caractérise le mieux la crise burundaise actuelle : silence des radios indépendantes qui se sont tues un matin de mai 2015, silence des dizaines de journalistes actuellement en exil, silence de toute une population terrifiée à l’idée de parler à ceux qui continuent de braver des risques immenses pour faire leur travail d’information à l’intérieur du pays.

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À ce titre, la mobilisation pour Jean est une mobilisation pour tous les journalistes burundais et, au-delà, pour tous les civils qui vivent dans l’insécurité la plus totale, soumis à l’arbitraire d’un pouvoir qui semble sombrer lentement dans la paranoïa. Toute expression d’une opinion individuelle est perçue comme criminelle.

Le simple fait d’envoyer une photo ou de faire partie d’un groupe Whatsapp peut valoir arrestation et torture.

Le simple fait d’envoyer une photo ou de faire partie d’un groupe Whatsapp peut valoir arrestation et torture. Cette semaine, une émission de la radio Isanganiro, rouverte sous conditions en mars 2016, a été suspendue pour avoir diffusé une chanson appelant au respect des droits de l’Homme… jugée antidémocratique par le régime de Pierre Nkurunziza.

Intimidations de la police

Alors que les voix indépendantes agonisent, de nouveaux chantres d’un régime autoritaire, fleurissent. Le brouillard de la désinformation se déploie à nouveau au-dessus du pays. Certains font même renaître, à mots progressivement moins couverts, des divisions internes aux relents d’atrocités, dans ce pays qui n’a déjà que trop connu le sang.

Pourtant si le pays a traversé bien des conflits, la société burundaise a démontré son pacifisme lors des manifestations – en grande partie non violentes – contre un troisième mandat du Président. Cela rend hommage aux années de sensibilisation par les médias qui dénonçaient systématiquement à l’époque les tracasseries de la police, les vols, les viols et autres atteintes aux droits.

Aujourd’hui, la population est en droit de savoir ce qui est arrivé à Jean, depuis sa disparition le 22 juillet dernier à Muramvya. Des témoins l’ont vu en compagnie d’hommes du Service national de renseignement, une agence qui apparaît dès la première ligne du chapitre sur les disparitions forcées du rapport des experts indépendant des Nations unies. Des sources au sein du SNR ont même indiqué dans un premier temps le détenir, avant de se rétracter.

Aucune autopsie n’a été pratiquée, les cadavres ont été enterrés rapidement. Depuis, plus rien qu’un épais voile de silence.

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Malgré les intimidations de la police, ses collègues d’Iwacu se sont mobilisés pour partir à sa recherche. Ils ont fini par repérer des corps dans une rivière en contrebas. Atrocement mutilés et décomposés, ces derniers étaient à peine identifiables. La femme de Jean pense néanmoins qu’il ne s’agit pas de son mari. Aucune autopsie n’a été pratiquée, les cadavres ont été enterrés rapidement. Depuis, plus rien qu’un épais voile de silence.

Aux côtés de la population burundaise, et avec la solidarité de nombreuses autres organisations de défense des droits de l’homme, RSF poursuivra son combat pour faire la lumière sur la disparition de Jean et permettre plus largement, un jour, aux échos pluriels des radios burundaises de retentir à nouveaux sur les collines de leur pays.

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