Pour James Michel, ex-président des Seychelles, « trois mandats, c’est trop »

Fin septembre, après la défaite historique de son parti, le Lepep, aux élections législatives, et moins d’un an après sa réélection à la tête de l’archipel, James Michel donnait sa démission. Trois semaines plus tard, celui qui a présidé le pays pendant douze ans passait le relais à son fidèle vice-président, Danny Faure. Il explique les raisons de ce choix à Jeune Afrique.

James Michel à Victoria (Seychelles), le 18 décembre 2015. © Rassin Vannier/AFP

James Michel à Victoria (Seychelles), le 18 décembre 2015. © Rassin Vannier/AFP

Publié le 28 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Démissionnez-vous à cause de la défaite de votre parti aux dernières élections législatives, et de la perte de la majorité au Parlement ?

James Michel : Non. Cela fait 39 ans que je suis dans la politique, en tant que ministre, vice-Président et Président. Et je crois que, dans le monde moderne dans lequel nous vivons, trois mandats, c’est trop. C’est pour cela que j’ai amendé la Constitution en début d’année, afin de limiter le nombre de mandats présidentiels à deux. Etant donné que j’ai fait 12 ans à la Présidence, il était normal que je passe le relais à quelqu’un d’autre, plus jeune que moi.

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N’aurait-il pas été plus logique que vous ne vous présentiez pas à la dernière élection présidentielle, et que vous passiez le relais à votre vice-président, Danny Faure, à ce moment-là ?

Dans la politique, il y a toujours des conjonctures qui s’imposent. Je crois qu’il était nécessaire que je me présente à ce moment-là. C’est par la suite que j’ai amendé la constitution.

L’opposition estime que les électeurs sont floués : ils ont voté pour vous, et ils se retrouvent avec Danny Faure à la tête du pays

Les Seychellois ont voté en connaissance de cause, ils n’ont pas été surpris. Dans notre système, qui se rapproche du système américain, un président est élu avec son vice-président, et les électeurs savent que si le Président démissionne, ou s’il lui arrive quelque chose, c’est le vice-Président qui prend la relève pour terminer son mandat.

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L’amendement de la Constitution va à contresens de ce qui se fait en Afrique depuis quelques temps. Nombre de chefs d’États le font pour s’accrocher au pouvoir. Est-ce un message pour vos pairs africains ?

Personnellement, je n’ai jamais souhaité m’accrocher au pouvoir. J’ai confiance en la jeunesse. C’est pour cela que j’ai beaucoup travaillé à démocratiser l’éducation, afin de donner la possibilité aux jeunes de s’épanouir. Il était normal que je passe le relais. C’est le modèle que je veux pour notre démocratie, et, c’est vrai : j’aurais souhaité que les autres pays de notre continent suivent ce modèle.

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Comment expliquez-vous la défaite aux législatives ? N’avez-vous pas là une part de responsabilité ?

Je crois que c’est un peu tout cela : l’usure du pouvoir, le fait que beaucoup de jeunes n’ont pas connu les sacrifices et les misères du passé et que pour eux, tout a été facile… On a fait énormément de choses pour le pays, on a fait le maximum. L’économie fonctionne très bien. Les Seychellois traversent une période de prospérité. Mais nous vivons dans un monde qui veut du changement.

L’opposition dénonce une forte corruption…

Non, il s’agit d’une perception sur laquelle l’opposition a mis l’accent pendant la campagne électorale, mais il n’y a pas de corruption massive aux Seychelles.

Votre pays est considéré depuis quelques années comme un paradis fiscal…

Aux Seychelles, les lois qui régissent le secteur offshore sont régulièrement révisées, en accord avec les normes internationales. Par le passé, notre pays a été placé sur une liste à observer, mais nous avons revu les lois, et aujourd’hui, tout est en ordre.

Quels sont les défis qui attendent votre successeur ?

J’attends de lui qu’il travaille à une économie performante, et pour le bien-être du peuple. J’attends qu’il s’occupe de la jeunesse, et aussi qu’il fasse le maximum pour créer une plateforme afin d’avoir une unité dans le pays.

Danny Faure parle régulièrement d’unité depuis qu’il est Président. Faut-il en déduire que vous n’étiez pas la bonne personne pour négocier avec l’opposition ?

J’ai toujours travaillé à l’unité nationale. J’ai pris beaucoup de mesures pour essayer de rapprocher les points de vue. Mais je viens du mouvement indépendantiste. Le nouveau Président, lui, vient d’une nouvelle génération. Naturellement, il sera dans une meilleure position pour amener les différentes tendances à travailler ensemble.

Qu’allez-vous faire désormais ?

Je vais travailler à réorganiser et redynamiser le Lepep, dont je suis toujours le président. Pour cela il faut le réorganiser à la base et travailler avec le peuple. J’ai aussi l’intention de créer une fondation consacrée au développement de la jeunesse et à la promotion de l’économie bleue, que je considère comme une nouvelle frontière économique pour les petits États insulaires.

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