Corée du Sud : quelles leçons pour les économies africaines ?
Après la Chine, le Japon, les États-Unis (avec Power Africa) ou même la France, l’Afrique a un nouvel « ami » : la Corée du Sud.
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Frédéric Maury
Frédéric Maury est directeur éditorial à Jeune Afrique Media Group. Auparavant rédacteur en chef du pôle économie de Jeune Afrique, il pilote les programmes et contenus éditoriaux du pôle conférences, notamment ceux du Africa CEO Forum.
Publié le 31 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.
Le petit pays asiatique, onzième puissance économique mondiale, mettra sur la table 5 milliards de dollars de financements en faveur du continent pour les deux années qui viennent. Des centaines de projets sont d’ores et déjà à l’étude, assurait-on du côté du ministère coréen de la stratégie et des finances et de la Korea Exim Bank lors de la conférence Koafec qui s’est tenue du 24 au 27 octobre.
Mais là où ni la France ni les États-Unis ni le Japon, puissances économiques historiques, n’ont guère d’autre message à faire passer – même habillé sous le vocable de « partenariat » – que celui du commerce et de l’investissement, Séoul a choisi un tout autre registre : celui du modèle, source d’inspiration.
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La Corée est passée par des épreuves semblables à celles des pays africains
Pour celui qui visite aujourd’hui la capitale coréenne, avec ses centres commerciaux géants, ses tours rutilantes, son flot de béton, ses parcs soignés et aménagés, rien ne semble plus éloigné des chaotiques mégalopoles subsahariennes que ce Séoul soigné et organisé. Rien ne paraît aussi incongru que de comparer un pays comptant 15 entreprises parmi les 500 plus grandes compagnies mondiales (soit autant que la Suisse et davantage que le Canada et les Pays-Bas) à des nations africaines ou, à de rares exceptions près, un secteur privé puissant et compétitif peine à exister.
« Dans les années 1960, les principales exportations de la Corée du Sud étaient les produits agricoles et… les perruques. »
Et pourtant, Shin Kim, l’un des dirigeants de Samsung C&T, la branche construction du géant coréen, l’a rappelé lors de la Koafec : « Dans les années 1960, les principales exportations de la Corée étaient les produits agricoles et les perruques… Les Coréens étaient tellement pauvres qu’ils devaient vendre leurs cheveux. »
Avant d’être un pays développé, la Corée du Sud est en effet passée – il n’y a pas si longtemps – par des épreuves qui ressemblent à celles connues par nombre de pays africains.
Qui se rappelle que Samsung Electronics, aujourd’hui leader mondial de l’électronique grand public, est né dans les années 60 sous la forme d’une coentreprise avec deux groupes japonais (Sanyo Electric Co. et NEC Corporation) chargés d’apporter une expertise que le pays n’avait pas ?
Qui se rappelle qu’avant de devenir l’un des leaders mondiaux de la construction navale, Hyundai Heavy Industries a dû aller en Angleterre et en Grèce chercher financements et clients ?
Qui se rappelle également que le scepticisme qui continue souvent d’entourer l’Afrique a d’abord frappé la Corée du Sud, ce « pays sans avenir » ?
Le modèle de développement sud-coréen
Il est difficile d’expliciter en quelques lignes le modèle de développement sud-coréen. Pour faire passer son produit intérieur brut par habitant d’une cinquantaine de dollars après la guerre de Corée à près de 30 000 dollars aujourd’hui, Séoul a mis en œuvre un certain nombre de priorités que l’on pourrait résumer ainsi :
- Un très fort leadership politique,
- Un culte de l’entrepreneuriat,
- Un investissement sans limite dans l’éducation, et
- Une stratégie industrielle à la fois originale et unique.
À la différence de Singapour, qui a misé sur son statut de ville-port pour se transformer en hub à la fois logistique et financier, ou de la Chine, dont les moyens immenses liés à sa taille, à son peuplement et à ses richesses naturelles lui ont permis de se développer tout azimut, la Corée du Sud a porté tous ses efforts sur une industrialisation massive entièrement tournée vers l’exportation. L’étroitesse de son marché intérieur (une trentaine de millions d’habitants dans les années 70) aurait en effet rendu impossible tout processus tourné vers la satisfaction unique des besoins nationaux.
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Les pays africains pourraient-ils aujourd’hui s’inspirer de cette recette réussie, comme la Corée semble les inciter à demi-mot, mettant en avant le parcours qu’elle a réalisé ?
Sur les trois premiers points, aucun doute. Sur le dernier, restons prudent : la globalisation a changé la donne et a rendu les marchés mondiaux bien plus compétitifs que dans les années 70. Au mieux, les pays africains disposant d’un petit marché intérieur pourront trouver une place dans la chaîne mondiale de production industrielle. Espérer bâtir une chaîne industrielle entière et totalement intégrée semble pour eux quelque peu hors de portée.
L’essentiel est de cibler un secteur pourvoyeur d’emplois et d’y consacrer l’essentiel de son énergie et de ses finances.
Deux enseignements majeurs
Mais le véritable enseignement coréen est sans doute ailleurs : l’essentiel est de cibler un secteur pourvoyeur d’emplois et d’y consacrer l’essentiel de son énergie et de ses finances. Car si l’économie coréenne s’est faite en deux à trois décennies, c’est surtout par étapes successives, passant du poisson au textile, à la chimie lourde, à l’automobile, aux technologies et tout dernièrement à l’industrie musicale. À chaque fois, tous les efforts financiers et humains ont été mis sur une priorité.
En outre, les Sud-Coréens « ont toujours transformé les crises en opportunité », comme le rappelle Shin Kim, au moment même où Samsung connait avec le Galaxy Note 7 son plus grand accident industriel dans le domaine de la téléphonie.
À ces deux points majeurs, les stratégistes du développement de l’Afrique pourraient réfléchir. Alors que la période incroyable du boom des matières premiers est révolue, et que les ressources publiques sont très réduites, le continent a en effet plus que jamais besoin de stratégies planifiées et efficientes.
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