Politiciens français : qui est plus africain que qui ?
De sa récente tournée africaine, le Premier ministre français a ramené le surnom de « Valls l’Africain ». Un surnom d’occasion, si l’on se rappelle tous les politiciens de France qui en furent affublés…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 2 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.
Il y aura bientôt plus d’Africains en France qu’en Afrique. Non pas qu’une immigration irrépressible soit sur le point d’accomplir la théorie du « Grand remplacement » chère à l’écrivain Renaud Camus. Mais les responsables politiques du continent noir, entre deux you-yous et trois pagnes personnalisés, se plaisent à coller l’étiquette « Africain » à tout politicien français de passage.
C’est ainsi un Manuel Valls africanisé qui est rentré de sa tournée ouest-africaine. Ce 31 octobre, en pleine cérémonie d’inauguration d’une station de pompage d’eau dans la périphérie d’Abidjan, le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan s’est permis de « donner un titre » à son homologue français : « On disait Scipion l’Africain, je crois qu’il faut dire le Premier ministre Valls l’Africain ». Sourires mondains d’autant plus assurés que le chef du gouvernement « gaulois » clamait, le même jour, son « amour » de l’Afrique et des Africains…
Des « Africains » en pagaille
Pour ne pas gâcher la fête, chacun feignit d’oublier que Manuel Valls maîtrise à souhait la technique du « like » public personnalisé, offrant à chacun ce qu’il veut entendre, entre un « J’aime l’entreprise » à l’université d’été 2014 du patronat français et un « J’aime les fonctionnaires », la même année, devant des cadres de la fonction publique dijonnaise. Il use certainement de trémolos aussi convaincants, lorsqu’il affirme, main sur le cœur, « J’aime les pâtes de crevette en saumure » dans un restaurant laotien…
On feindra aussi d’oublier que l’on ne devrait qualifier d’Africains que les Français qui le sont plus que la moyenne de leurs congénères. Le patron de Valls, pourtant, est lui aussi surnommé « Hollande l’Africain » dans un ouvrage du célébrissime intervieweur de Radio France Internationale, Christophe Boisbouvier, aux éditions La Découverte.
En 2007, à l’occasion du 24e Sommet Afrique-France, l’hebdomadaire français L’Express évoquait « Le testament de Chirac l’Africain », président qui démontra régulièrement son béguin pour le continent noir. Si Jacques Chirac est le président français le plus légitime à être « naturalisé » dans une kyrielle de contrées africaines, le même Express portraitisait, dès décembre 1979, « Giscard d’Estaing l’Africain ». Le prédécesseur de celui-ci est devenu « Georges Pompidou l’Africain » sous la plume de Philippe Moudié, aux éditions Harmattan Cameroun, tandis que son successeur a été bombardé « Mitterrand l’Africain ? » – avec tout de même un point d’interrogation – par Gaspard-Hubert Lonsi Koko, aux éditions L’Egrégore.
L’exception Sarkozy
Faut-il considérer que la règle de ce baptême systématique des responsables politiques français est confirmée par l’exception d’un Nicolas Sarkozy qui sidéra le monde à Dakar ?
Comme en témoignent Abedi Ayew, dit « Pelé », ou Koffi Olomidé Mopao, dit, un temps, « Sarkozy », on a le surnom « analogique » et transcontinental facile en Afrique. Même si les commentateurs français ont, eux aussi, largement joué ce jeu du « Monsieur X l’Africain ». Et même si les élus de France ne rechignent pas, eux non plus, à épater les leaders africains en leur confiant, lors de leurs voyages, des clefs de villes qui valent adoption, sinon naturalisation.
Si Manuel Valls n’est pas dupe d’un baptême « l’Africain » auquel eurent tout autant droit Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac et Hollande, il peut s’enorgueillir d’être ainsi aligné sur une brochette élyséenne. Ceci dit, de Pierre Savorgnan de Brazza « l’Africain » à Vincent Bolloré « l’Africain », il n’y pas que des chefs d’État qui ont eu droit à cette étiquette tarte à la crème. Et pas que des politiciens…
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