La recette turque pour conquérir l’Afrique : embaucher et former les locaux
Le discours du Président Erdogan était à peine conclu ce mardi, que les discussions reprenaient sous la grande tente attenante au forum d’affaires Turquie-Afrique se tenant cette semaine à Istanbul. Exemple, à l’heure du déjeuner, avec le Turc Ercan Arkin et le Burkinabè Timothée Ouoba.
L’un est responsable Afrique francophone depuis cinq mois de l’entreprise turque Tanis, qui fabrique des moulins à farine qui peuvent traiter jusqu’à 8 tonnes par jour. Sa compagnie est présente en Éthiopie, Angola, Somalie et vise le Sénégal, le Soudan … « On fabrique notre matériel ici, à Gaziantep, on transporte nos produits, on forme les clients, on prépare le projet selon la qualité de la farine, le coût peut varier suivant le type de produits », dit-il.
L’autre est chef de service innovation au sein de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso, une institution qui accompagne les entreprises burkinabè dans leurs formalités et dans la formation de leurs personnels.
Le plan d’un moulin à farine déjà déplié sur la table, le Burkinabè révèle à son interlocuteur qu’il est lui-même à la recherche de minoteries : « Avez-vous des modèles pour décortiquer le riz, pour traiter le maïs ? » « Oui, mais c’est très dur, car une graine de maïs est quatre fois plus grande qu’un grain de riz, cela ne passera pas ».
Qu’importe, la discussion se poursuit sur les conditions de financement. « On préfère le pré-paiement », indique le Turc. En se serrant la main, ils se sont promis de rester en contact à leur retour à domicile.
Ces relations turco-africaines sont en plein essor, disent Ben Cheikh Haidara, directeur général de l’opérateur Airtel Burkina Faso et Kephta Compaoré, directeur général de Syscom, également rencontrés dans les allées du sommet.
“On attend les Turcs sur leurs capacités d’investissements et d’expertise dans les domaines de l’énergie, de la construction et des infrastructures et on va voir comment on peut créer des co-entreprises en leur apportant notre connaissance de l’environnement local et des milieux d’affaires. Ils doivent venir avec des projets structurants”, disent-ils.
Les PME, la clé de la stratégie turque
Ni trop grandes ni trop petites, les PME turques sont pour l’ambassadeur Ahmet Riza Demirer, directeur Afrique au ministère des Affaires étrangères turc, la clé de la stratégie turque en Afrique. Ce qui la différencie des partenaires traditionnels comme la France ou la Chine. « Nous sommes les derniers à venir en Afrique, cela a des avantages mais aussi des inconvénients. Ce que l’on essaye de faire, c’est de partager notre savoir-faire dans les petites et moyennes entreprises. S’il y a eu un développement en Turquie, c’est grâce à ces moyens investisseurs qui ont été habitués à travailler en milieu difficile. Contrairement aux Chinois, les Turcs visent aussi à embaucher et à former de la main d’œuvre locale. »
Cela a constitué pour nous un tournant.
Plus tard à la tribune, c’était au tour d’entreprises qui ont déjà investi en Turquie de témoigner. Hakan Kozan est directeur général du groupe d’électroménager Arçelik pour l’Afrique du Sud. Il détient notamment des marques allemandes telles que Grundig ou Beko, et est présent en Afrique depuis 20 ans. Il a acquis le Sud-africain Dify en 2011 en y investissant 320 millions d’euros. « Cela a constitué pour nous un tournant, Defy est devenue notre porte d’entrée sur tout le continent, on a multiplié par six notre présence à l’est et au sud du continent. On est présents dans 39 pays, il nous reste 15 pays à conquérir, nous avons investi 75 millions de dollars supplémentaires en ressources humaines et en équipements. » En 2008, Defy n’exportait que vers 8 pays. Il y en a 34 aujourd’hui ainsi que l’Australie et le Bengladesh.
On a vite été convaincus par l’environnement des affaires en Éthiopie.
Yusuf Aydeniz, est le président de Ayka Textile. Pour lui, c’est en 2005 qu’a commencé l’aventure africaine, en Éthiopie, par l’ouverture d’usines de textile qui disposent de 40 tonnes par jour de capacités de production. « On a préparé un rapport de faisabilité, on a vite été convaincus par l’environnement des affaires du pays et par la disponibilité de sa main d’oeuvre. Nous employons à 100% des femmes à qui on a fourni des formations, soit un total de 50 000 personnes. Notre société établie en Éthiopie a réalisé de grands travaux qui ont attiré d’autres investisseurs étrangers. »
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