Mali : retour en cinq dates sur la vie d’Intalla Ag Attaher, aménokal des Ifoghas

Intalla Ag Attaher, chef traditionnel de la tribu touarègue des Ifoghas, est mort dans la nuit de jeudi à vendredi à Kidal. Retour en cinq dates sur sa vie, intimement liée aux différentes rébellions qui ont secoué le Nord du Mali depuis un demi-siècle.

Intalla Ag Attaher est décédé à l’âge de 87 ans. © Ferat Bouda/Agence VU

Intalla Ag Attaher est décédé à l’âge de 87 ans. © Ferat Bouda/Agence VU

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Publié le 19 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Les Touaregs viennent de perdre une de leurs plus influentes figures. Intalla Ag Attaher, l’aménokal (chef traditionnel et moral) des Ifoghas, est décédé dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 décembre à son domicile de Kidal. Âgé de plus de 87 ans, il ne s’était jamais vraiment remis d’un accident de la route, survenu près de Gao en 2003, qui lui avait gravement endommagé la hanche.

Homme sage et respecté de tous, son parcours est intiment liée aux différentes rébellions touarègues qui ont agité le nord du Mali depuis son indépendance, en 1960. Hormi celle de 2012, durant laquelle il s’était montré plus offensif, Intalla Ag Attaher a souvent fait office de modérateur et d’interlocuteur incontournable de Bamako lors de chaque montée de tension. Retour, en cinq dates, sur la vie de ce chef coutumier qui a marqué l’histoire de son pays. 

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1962 : Intalla Ag Attaher succède à son père et devient aménokal

Intalla Ag Attaher est né en 1927 à Kidal, dans le nord du Mali. Ce qui n’est alors qu’une petite bourgade est déjà le fief de la tribu des Ifoghas, qui domine le reste de la communauté touarègue depuis le début du 20e siècle. Intalla grandit dans l’ombre de son père, Attaher ag Illi, l’aménokal des Ifoghas. Il reçoit une éducation traditionnelle et est sensibilisé, dès le plus jeune âge, à ses futures responsabilités de chef temporel et spirituel. En 1962, son père meurt. Après une querelle de succession l’opposant à son frère Zeid, Intalla Ag Attaher devient, à un peu plus de trente ans, le nouvel aménokal. Il règne désormais en patriarche sur toutes les tribus vivant dans la région de l’Adrar des Ifoghas, vaste massif lunaire planté au nord de Kidal. 

1962-1964 : la première rébellion touarègue

Le nouvel aménokal est tout de suite poussé à démontrer sa stature de chef. En 1960, le Mali de Modibo Keïta acquiert son indépendance. Les populations du Nord, au premier rang desquels les Touaregs, refusent l’autorité du nouveau pouvoir. En 1962 éclate la première rébellion touarègue. Principalement localisée dans la région de Kidal, elle durera deux ans, jusqu’en 1964. Le régime socialiste du président Keïta met fin à cette première tentative d’indépendance en réprimant violemment les rebelles. La région est ensuite placée sous surveillance militaire pour éviter tout nouveau débordement. Intalla Ag Attaher, lui, s’illustre en convaincant ses troupes de déposer les armes, sauvant au passage de nombreuses vies.

1994 : enlèvement par les combattants de l’Arla

Au tournant des années 1990, le nord du Mali connaît une nouvelle rébellion tourarègue. Outre les combats entre les mouvements indépendantistes du Nord et le pouvoir de Bamako, celle-ci fait aussi ressurgir de vieilles tensions au sein de la communauté touarègue. En février 1994, l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (Arla), majoritairement composée de Touaregs Imghad, que les Ifoghas considèrent comme des "vassaux", enlève Intalla Ag Attaher à Kidal. Cet acte est une offense absolue pour les Ifoghas. Plusieurs jours de combats s’ensuivent entre tribus rivales. L’aménokal est finalement relâché une semaine plus tard. Cet enlèvement ne sera jamais pardonné et, aujourd’hui encore, la rancune reste vivace entre Ifoghas et Imghads.

2011 : la dernière rébellion touarègue d’Intalla Ag Attaher

Fin 2011, une nouvelle rébellion touarègue éclate dans le nord du Mali. Elle est menée (entre autres) par des anciens combattants touaregs de Mouammar Kadhafi, regroupés au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Intalla Ag Attaher, déçu par des années de conciliation infructueuse avec Bamako, appporte son soutien à cette organisation. Quelques mois plus tard, le MNLA et leurs alliés "laïcs" sont rapidement débordés par les groupes jihadistes, poussant la France à intervenir militairement. En mai 2013, Mohamed Ag Intalla, un des fils de l’aménokal, fonde un nouveau groupe armé, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Il est rejoint par son frère Alghabass, ancien cadre du groupe islamiste Ansar Eddine. Intalla Ag Attaher se range alors derrière le mouvement de ses fils et en devient président d’honneur. 

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2014 : une succession ouverte

Depuis juillet 2014, le HCUA participe aux négociations d’Alger entre les groupes armés du Nord et le gouvernement malien. "Intalla Ag Attaher a toujours joué la carte du rassemblement, raconte un de ses proches. Ces derniers mois, il a beaucoup oeuvré pour que les différents mouvements rebelles se rapprochent et fassent front commun face à Bamako." Mais l’aménokal meurt le 18 décembre et ne connaîtra jamais la signature d’un accord de paix entre ses fils et le gouvernement malien. Ouverte à toute la famille, sa succession devrait se jouer entre ses trois fils : Mohamed, Alghabass et Attayoub. Même s’il ne fait pas l’unanimité, Alghabass, très influent sur les négociations en cours, serait le mieux placé pour succéder à son père. 

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Benjamin Roger

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