Musique : alors, il est comment l’album posthume de Papa Wemba ?
Dans les bacs depuis fin octobre, « Forever – De génération en génération », l’album posthume de Papa Wemba ne fait pas l’unanimité parmi son public, partagé entre nostalgie et déception.
On le retrouve là où il nous a quittés. Avec moins de gras, sans le mabanga – ce name-dropping qui pollue souvent la chanson congolaise -, mais pas au sommet de son art. Dans Forever – De génération en génération, Papa Wemba, décédé le 24 avril sur la scène du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), dans le sud d’Abidjan, offre à ses fans, à titre posthume, un opus qui se situe entre la « world music » et la rumba de la RD Congo.
Après une intro sur un rythme folk anamongo (l’ethnie de Papa Wemba), l’opus s’ouvre sur un featuring plutôt réussi, entre le Mzée de cette rumba congolaise et Diamond Platnumz, le prodige de la Bongo flava, le hip-hop est-africain. Dans Chacun pour soi en effet, la finesse de la guitare et de la kora côtoient les vibrations de la musique électro. Le tout sublimé par cette voix immuable et particulièrement perchée de Papa Wemba.
Sur la même lancée mais plus entraînant, Papa Wemba et le chanteur guinéen Sékouba Bambino signent un titre aux sonorités à la fois ouest-africaines et congolaises, confirmant le caractère ouvert que le leader de Viva La Musica voulait donner à cet album. Ouverture également dans les textes, notamment dans Tonada de luna ou dans Union. Ce dernier est un vibrant appel en chorale à l’unité. « Mon frère, ma sœur, qu’importe ta race (sic), ta religion, [tes] convictions ou [ta] culture, nous devons nous unir, nous entraider. Car l’amour est plus fort et n’a jamais tort », chante Papa Wemba.
« Je ne me suis pas retrouvé »
Après avoir écouté les 12 morceaux de l’album, Naty Lokole, l’un des chroniqueurs musicaux les plus suivis en RDC, se dit « pas convaincu » par la qualité de Forever. De génération en génération. « Vivant, Papa Wemba ne se serait pas permis de sortir cet opus », confie l’animateur télé de Sektion Musik à Jeune Afrique.
« J’ai reçu plusieurs fois Papa Wemba et chaque fois il m’expliquait que son album de world music n’était pas encore prêt. C’est pourquoi il avait préféré en 2014 sortir Maître d’école, 100% rumba, alors qu’il travaillait déjà depuis quelques années sur un opus world », ajoute Naty Lokole.
« L’album qui est sorti n’est pas de la trempe de Émotion [L’un des meilleurs opus de la carrière de Papa Wemba, NDLR], sorti en 1995. Je ne me suis pas retrouvé : j’ai du mal à situer cet album. Est-ce de la word music ou de la rumba ? » interroge celui qui affirme avoir été « bercé depuis son enfance par la musique de Papa Wemba ».
Un album inachevé ?
« On sent en effet de l’inachevé », confirme Marius Muhunga. Joint au téléphone à Washington où il poursuit des études, l’ancien animateur de Vodacom Super Star, une émission de détection des jeunes chanteurs en RDC, estime que « dans ce dernier album, on retrouve bien le Papa Wemba de Émotion mais il lui manque un peu plus de couleur ».
« En réalité, Papa Wemba gardait encore au frais la plupart de ces chansons qui viennent de sortir. Il n’avait visiblement pas encore fini de travailler dessus. Mais que voulez-vous ? Un album posthume, on le subit et on le consomme sans critiquer. D’autant que la seule personne qui pouvait savoir à quel moment le sortir n’est plus », plaide alors Marius Muhunga.
Papa Wemba chante-t-il (vraiment) Guillaume Soro ?
Dernier fait troublant dans Forever – De génération en génération, une chanson de 7 minutes et 2 secondes en l’honneur de Guillaume Soro. Problème : dans cette Rumba originale, à aucun moment l’on entend Papa Wemba citer le nom du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Alors que le refrain et plusieurs solos vocaux de la jeune chanteuse congolaise MJ30 – sa voix a été ajoutée après la mort de Papa Wemba, selon la production – clament à souhait tantôt « Guillaume », tantôt « Soro ».
« Comment ne pas s’interroger sur l’intention réelle des producteurs de cet album ? L’ont-ils sorti pour gagner de l’argent ou pour payer des dettes que Papa Wemba aurait laissées ? » lance pour sa part Naty Lokole, toujours aussi remonté. « Parce qu’on ne comprend pas pourquoi MJ30 chante par exemple plus de 70 % du temps sur un morceau qui appartient à Papa Wemba », ajoute l’animateur.
Plus conciliant, Lokua Kanza, qui a beaucoup collaboré avec Papa Wemba, trouve que « c’est en soi une bonne chose » de sortir cet album après la mort de l’artiste. Sans s’étendre sur la qualité de l’opus qu’il dit n’avoir « pas encore écouté », l’auteur-compositeur congolais le plus talentueux de sa génération se réjouit néanmoins que « l’esprit de Papa Wemba que nous avons tant aimé nous revienne de nouveau à travers cet album ». Forever.
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