La Tunisie ne veut pas d’aumône, elle attend des marques de confiance

L’exception tunisienne n’est pas une formule galvaudée, bien qu’elle ait figuré en bonne place dans la propagande de Ben Ali.

La station balnéaire de Hammamet, prisée aussi bien par les Tunisiens que les étrangers. © Crosa/Flickr

La station balnéaire de Hammamet, prisée aussi bien par les Tunisiens que les étrangers. © Crosa/Flickr

  • Frida Dahmani

    Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.

Publié le 16 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Tunis, le 10 juillet 2015. © Sophia Barakat pour JA
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Tunisie : en quête de confiance

Loué pour le succès de sa transition démocratique, le pays n’a guère été soutenu sur le plan financier. Et sa situation économique est désormais très difficile. Pour accélérer la reprise, les 29 et 30 novembre, il organise une conférence internationale destinée à rassurer et à réveiller les investisseurs.

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Ce qui était alors un argument de communicant est aujourd’hui l’indéniable réalité de la Tunisie. Avec des hauts et des bas, des temps forts et des confusions, des drames et des joies, le pays a inscrit sa singularité, au présent et dans l’Histoire, en réussissant une transition démocratique pacifique.

La première dans le monde arabe, où le vivre-ensemble entre modernistes, laïques et islamistes n’est pas une utopie.

Les acquis institutionnels sont là, les réformes sont en cours, la situation sécuritaire est maîtrisée

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Ce parcours a été salué par la communauté internationale et couronné par un prix Nobel de la paix l’an dernier. Des satisfecit que les Tunisiens n’ont pas demandés, même s’ils en ont été évidemment honorés. Ils ont agi dans la dignité pour leur pays et pour les générations futures.

En cinq ans, le parcours a été formidable : les acquis institutionnels sont là, les réformes sont en cours, la situation sécuritaire est maîtrisée, la stabilité et la décrispation politique assorties de pluralisme sont de retour.

Dans cette marche à pas forcés vers la démocratie, on pourra reprocher aux gouvernements successifs une gestion des affaires chaotique – bien prévisible et inévitable, toutefois, faute de vision et de réelles marges de manœuvre.

Résultat : un déficit des finances publiques, une croissance en berne, une faible création d’emplois, une dette abyssale et une machine économique grippée. Cela ressemble à une débâcle, mais, comme le dit une amie : « Le pays n’a pas changé, l’outil de travail n’a pas été touché, les Tunisiens sont les mêmes. Reste à leur faire confiance, comme cela a été le cas par le passé. »

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Face à cette tourmente économique, faut-il jeter pour autant le bébé avec l’eau du bain ? Les fondamentaux sont là, enrichis de gages de démocratie et de transparence. La volonté est bien au rendez-vous, elle aussi, mais les fonds manquent pour parachever et confirmer la mutation de la Tunisie, en relevant le défi de la relance économique.

Le pays ne veut pas d’aumône. Il attend des marques de confiance. En l’occurrence celles des investisseurs publics et privés, tunisiens et étrangers, qu’il convie à Tunis les 29 et 30 novembre à une conférence internationale d’appui au développement économique, Tunisia 2020, afin de lever 60 milliards de dollars pour soutenir le Plan de développement 2016-2020.

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Il est urgent que ces investissements se concrétisent. C’est désormais vital pour la Tunisie. Et ce n’est pourtant pas grand-chose au regard des sommes extravagantes dépensées à fonds perdu en effort de guerre ou de maintien de la paix en Afghanistan ou en Irak.

Il suffit de peu pour que la « petite » Tunisie sorte de l’ornière économique dans laquelle elle se trouve. La communauté internationale, qui n’a pas tenu ses promesses de soutien financier – notamment celles du G8 de 2011 –, le sait. Il est grand temps pour elle de prouver son appui au seul pays qui a fait du Printemps arabe sa belle saison, malgré un contexte géopolitique contraire.

Soutenir la Tunisie, c’est envoyer un message au monde, affirmer que ses acquis et les efforts qu’elle a accomplis en dépit d’une fragilité économique sont un rempart contre l’obscurantisme et l’extrémisme.

« Sans aide, nous serions, dans une vingtaine d’années, en présence d’une autre dictature, ce serait le chaos », avertit Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale. Et ce n’est pas là une formule qu’il lance pour le simple plaisir d’impressionner les esprits. C’est un vrai risque, que ni la communauté internationale ni les Tunisiens ne peuvent plus feindre d’ignorer.

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