Me Salami : « On a senti un acharnement du pouvoir au Bénin contre Sébastien Ajavon »
Soupçonné de trafic de drogue, l’homme d’affaire Sébastien Ajavon a été relaxé le 4 novembre pour « insuffisance de preuve » et « au bénéfice du doute », après avoir passé sept nuits en garde à vue. Ibrahim Salami est l’un de 27 avocats qui l’ont défendu. Interview.
Jeune Afrique : Êtes-vous pleinement satisfait de la décision du tribunal de Cotonou ?
Ibrahim Salami : Une arrestation tambour battant et en public, une garde à vue des plus humiliantes d’une durée d’une semaine, un procès à l’arraché pour être finalement relaxé. Tout ça pour ça ? Mais le plus important est que Sébastien Ajavon soit libre même si nous aurions préféré qu’il soit relaxé purement et simplement. Car l’instruction n’a pas permis de prouver son implication personnelle. Mon client l’a montré à la barre. Lui ne fait que des commandes pour une société française chargée de collecter partout de la marchandise, de choisir le transporteur, l’armateur, etc. Le groupe Cajaf-Comon [dirigé par Ajavon, NDLR] n’a aucune responsabilité dans l’entreposage, le transfert et le convoyage des produits congelés. Il ne joue aucun rôle dans le processus. De plus, on a constaté que les deux plombs du conteneur en question ont été changés. À la place, on a mis des plombs d’un armateur asiatique qui ne se rend plus au Bénin depuis plus de sept ans et qui n’utilise même plus ce type de plombs. L’intégrité du conteneur a été violée. Il y a eu une intrusion extérieure.
Quel est l’état d’esprit de Sébastien Ajavon ?
M. Ajavon séjourne en France depuis lundi 7 novembre. Il est à la fois soulagé et méfiant. Méfiant, car les fouilles de ses conteneurs se poursuivent. Une deuxième a eu lieu lundi, une troisième mardi matin et une quatrième actuellement. Elles ont toutes été infructueuses. Si ces fouilles sont légales, elles s’apparentent à un acharnement du pouvoir qui n’est pas propice à la sérénité du climat des affaires au Bénin.
Le pouvoir exécutif ne pouvait pas ne pas être informé
Estimez-vous que la procédure judiciaire a été respectée ?
Les règles du code de procédure pénale n’ont au départ pas été respectées. M. Ajavon a été arrêté sans que les charges qui étaient retenues contre lui ne lui soient tout de suite notifiées. La garde à vue était donc au départ arbitraire. Il n’y avait pas d’urgence à aller le chercher à l’issue d’une conférence de presse lors de laquelle il n’avait commis aucune infraction. De plus, on l’a soumis à une garde à vue plutôt corsée. À un moment, on lui a même retiré ses téléphones portables. Cette semaine de garde à vue a été difficile pour lui. On a senti dès le départ un acharnement du pouvoir en place.
Dans quelle condition était-il détenu ?
Il n’a pas été mis en cellule mais il occupait le bureau du commandant de brigade de la compagnie de gendarmerie.
Quelle a été, selon vous, l’implication de l’exécutif dans cette affaire ?
C’est l’un des points forts de ce procès. Le pouvoir exécutif ne pouvait pas ne pas être informé. C’est le patron des services de renseignements qui aurait reçu l’information selon laquelle un conteneur portant tel numéro contenait des matières prohibées. Ce service est directement rattachée à la présidence. Je rappelle que son patron, Pamphile Zomahoun, est celui qui fut accusé sous le gouvernement de Boni Yayi d’avoir participé à la préparation d’un coup d’État. C’est lui qui a décidé de ne pas informer l’Office central de répression du trafic illicite de drogues (Ocertid). Le fait que le procureur a requis dix ans de prison est également révélateur.
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