Soupçons de financement libyen dans la campagne de Nicolas Sarkozy : où en est-on ?

Ce lundi, une nouvelle source libyenne a assuré que Nicolas Sarkozy avait bénéficié d’un financement libyen pour sa campagne présidentielle en 2007. Qu’en est-il de la teneur des révélations portées contre l’ex-chef de l’Etat français ? Jeune Afrique revient sur les grandes lignes de cette affaire, dévoilée en avril 2012.

Nicolas Sarkozy après une réunion en Libye en 2011. © David Karp/AP/SIPA

Nicolas Sarkozy après une réunion en Libye en 2011. © David Karp/AP/SIPA

Publié le 8 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Donnant-donnant. C’est sur la base d’un deal géopolitique que la Libye a renoué des liens avec l’Union européenne (UE), et donc avec la France. Le pacte est le suivant : désireuse de stopper l’afflux d’immigrés clandestins en provenance des côtes libyennes et à destination de l’Union Européenne, l’Hexagone s’engage à livrer des équipements militaires à Tripoli pour mener à bien sa mission. Nous sommes en 2004. L’UE lève son embargo sur les livraisons d’armes à la Libye. À ce moment-là, c’est le ministre de l’intérieur français qui est  notamment à la manœuvre du rapprochement entre la France et la Libye. Un certain Nicolas Sarkozy.

Kadhafi reçu à l’Élysée

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Un élément de contexte utile pour connaître la suite de l’histoire. De septembre à décembre 2005, Nicolas Sarkozy chapeaute les négociations de plusieurs contrats militaires entre Paris et Tripoli. Selon des informations du journal français Mediapart, un intermédiaire, qui joue un rôle-clé dans cette affaire, le sulfureux homme d’affaires franco-libanais, Ziad Takkedine, entre déjà en action. Celui-ci organisera, de son propre aveu, les visites à Tripoli de Claude Guéant (alors ministre de l’Intérieur et de l’Immigration), de Nicolas Sarkozy, et de Brice Hortefeux (ministre délégué aux Collectivités territoriales).

Deux ans plus tard, Nicolas Sarkozy remporte l’élection présidentielle en 2007 et succède à Jacques Chirac à l’Élysée. Seulement six mois après sa prise de pouvoir, il reçoit la visite officielle de Mouammar Kadhafi. Une décision qui lui vaut par la suite une salve de critiques. Car la venue du président libyen coïncide avec la Journée internationale des droits humains. Premier ministre français à l’époque, François Fillon justifie la réception du dirigeant libyen comme suit : « La France reçoit le colonel Kadhafi parce que le colonel Kadhafi a libéré les infirmières bulgares et parce que le colonel Kadhafi s’est engagé dans un processus de réintégration dans la communauté internationale. »

La machine judiciaire se met en marche

Le désamorçage opéré par le gouvernement français en 2007 explose cinq ans plus tard. Fin avril 2012, Mediapart dévoile l’existence d’un « accord portant sur le soutien à la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles Monsieur Nicolas Sarkozy pour un montant de 50 millions d’euros ». C’est lors d’une réunion le 6 octobre 2006 en présence de Brice Hortefeux et de Ziad Takieddine qu’il aurait été « convenu du montant et des modalités de versement ». Le parquet de Paris ouvre ensuite une enquête préliminaire pour « faux et usage de faux » et « publication de fausses nouvelles », à la suite d’une plainte de Nicolas Sarkozy contre le journal.Celui-ci contre-attaque en portant plainte à son tour contre Nicolas Sarkozy pour « dénonciation calomnieuse ».

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Le 19 avril 2013, la justice française ouvre une information judiciaire contre X pour « trafic d’influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel de ces délits ». En charge du dossier, le juge Van Ruymbeke aurait obtenu des déclarations compromettantes de Ziad Takieddine, qui alimentent davantage les déboires judiciaires de Nicolas Sarkozy.

Mais une question se pose : pourquoi l’intermédiaire privilégié de la sphère sarkozyste a t-il décidé de retourner sa veste, lui qui joue un rôle indéniable et plus que trouble dans cette affaire? L’hypothèse avancée est la suivante : le 5 mars 2011, l’homme d’affaires franco-libanais a été interpellé avec 1,5 million d’euros en espèces à l’aéroport du Bourget. Alors pour éviter de gros ennuis judiciaires, peut-être est-il devenu judicieux pour lui de coopérer afin de s’adjuger la clémence de la justice? À ce jour, rien ne permet de l’affirmer.

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Révélations en cascade

Le 3 juin 2016, les juges rendent un non-lieu dans l’enquête ouverte suite à la plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart. Pour les juges, « indépendamment de son contenu », il n’a pas pu être démontré que le document apporté par Mediapart et censé prouver un financement libyen dans la campagne présidentielle de 2007, ne relève pas d’ « un support fabriqué par montage » ou « altéré par des falsifications ».

Le 27 septembre 2016, nouveau rebondissement. Cette fois, c’est la justice qui met la main sur le carnet d’un ancien dignitaire du régime de Mouammar Kadhafi retrouvé mort mystérieusement en Autriche le 29 avril 2012, le lendemain des premières révélations de Mediapart. Il s’agit de Choukri Ghanem. L’homme avait  consigné dans ledit carnet une série de versements au profit de l’ancien chef de l’État français. Au total, 6,5 millions d’euros.

Enfin, ce lundi 7 novembre, à quelques jours de la primaire de la droite et du centre à laquelle Nicolas Sarkozy participe, Mediapart enfonce un nouveau clou. Le journal révèle que l’ancien chef du renseignement militaire libyen, Abdallah Senoussi, aurait avoué devant les juges de la CPI avoir supervisé le transfert de 5 millions d’euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy.

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