Arts plastique : l’Afrique en guest star à Paris Photo

Ouverte jusqu’au 13 novembre au Grand Palais, la foire parisienne annuelle accueille de nombreux photographes africains. À bonne distance de toute caricature.

Namsa Leuba Statuette Punu, Bintou, Guinée, Ya Kala Ben, 2011. © Namsa Leuba courtesy in camera galerie

Namsa Leuba Statuette Punu, Bintou, Guinée, Ya Kala Ben, 2011. © Namsa Leuba courtesy in camera galerie

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Publié le 10 novembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Dès l’entrée de la foire annuelle Paris Photo (jusqu’au 13 novembre), sous la verrière du Grand Palais, l’Afrique s’impose en grands formats. Impossible de ne pas être happé par les images du Sud-Africain Pieter Hugo, qui propose une nouvelle série baptisée « 1994 ». Innocentes, ses photographies d’enfants présentées par la Galerie Stevenson ? Pas vraiment, puisque tous sont nés après 1994 dans des pays où cette date revêt une signification historique particulière : le Rwanda et l’Afrique du Sud. Ils posent dans une nature qui paraît idyllique mais où des choses terribles se sont passées, apartheid, génocide, l’artiste soulignant la référence volontaire à Sa majesté des Mouches, roman de William Golding où des gamins se retrouvent livrés à eux-mêmes sur une île déserte. « Devenir père a radicalement changé ma manière de regarder les enfants, et il y a un véritable défi à essayer de les photographier sans sentimentalisme », déclare Pieter Hugo qui entend s’interroger sur la manière dont l’histoire s’écrit dans les périodes qui suivent un conflit.

Kaléidoscope et panorama

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Omar Victor Diop, Sancho Zango, Jameson Brand Ambassador, Mozambique. © Pernod Ricard

Fêtant cette année ses vingt ans d’existence, Paris Photo offre un vaste kaléidoscope d’images du monde – frontales comme au temps de l’argentique, ou malaxées, triturées, retouchées à grands renforts de technologies numériques… Dans ce panorama, l’Afrique est bel et bien présente, sous l’objectif d’artistes aux regards très différents. Il y a bien sûr les pères fondateurs, les Maliens Seydou Keïta et Malick Sidibé et le Nigérian J.D. ‘Okhai Ojeikere que l’on retrouve dans les galeries spécialisées qui s’intéressent à leur travail depuis longtemps : celle du marchand d’art André Magnin (Magnin-A) ou celle de la créatrice de mode Agnès b. (Galerie du Jour Agnès b.).

Il y a aussi nombre de représentants de la jeune génération que l’on retrouve dans les galeries africaines ou avec un fort tropisme africain (Magnin-A, Stevenson, Cécile Fakhoury, Continua…). Le plus visible est sans aucun doute le Sénégalais Omar Victor Diop, qui se présente comme le digne descendant des portraitistes maliens. Outre une nouvelle série (Liberty) présentée chez Magnin-A, il bénéficie du vaste espace Pernod Ricard où il présente Mindset, soit 17 portraits d’employés de la marque. « Le continent africain est la nouvelle frontière de Pernod ricard, qui y a ouvert 6 filiales depuis cinq ans, explique la firme française. C’est donc tout naturellement que le groupe a proposé une « carte blanche » à l’artiste sénégalais. » Réunis à Johannesburg pour la séance photo, les 17 collaborateurs de Pernod portent des costumes créés par la Sénégalaise Selly Raby Kane, où l’on peut chaque fois voir en médaillon le portrait d’un autre collaborateur du groupe.

Marketing et homosexualité

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Ntozakhe II,Parktown, 2016. © Zanele Muholi/Yancey Richardson

S’il était besoin de prouver que les grandes marques gardent un œil sur l’Afrique et sur ses marchés prometteurs, on signalerait aussi que la photographe Namsa Leuba (Galerie In camera), née en Suisse mais de mère guinéenne, a été choisie pour signer cette année la nouvelle campagne de Christian Lacroix…

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Bien plus engagée puisqu’elle a longtemps travaillé sur la question de l’homosexualité féminine, la Sud-Africaine Zanele Muholi est elle aussi très présente cette année, puisque l’on retrouve ses œuvres chez Stevenson, mais aussi chez Yancey Richardson et dans la sélection du Centre Pompidou, The Pencil of culture.

Poupées et léopard

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Série « Léopard » exposée chez Magnin. © Emilie Régnier

Bien entendu, Paris photo, c’est aussi l’occasion de découvrir des travaux moins connus – ou carrément nouveau. Ainsi, No joke (Galerie Dittrich & Schlechtriem) offre une immersion dans le monde étrange du Sud-Africain d’adoption Roger Ballen, qui a travaillé pour l’occasion avec le Danois Asger Carlsen. Corps nus, poupées effrayantes, animaux bizarres, dessins naïfs et retouches numériques donnent naissance à une fantasmagorie saisissante – du genre de celles qui séduisent tant le groupe de musique sud-africain Die Antwoord. Moins « trash », mais prometteur, le travail de la jeune Emilie Regnier sur le motif « Léopard » porté un peu partout dans le monde – emblème visuel de Mobutu Sese Seko, symbole de pouvoir en Afrique mais très présent aussi dans la haute couture comme dans le prêt-à-porter européen.

Candomble et Afronautes

Au-delà d’un parcours purement africain, il faut aussi prêter attention aux travaux de photographes non-africains qui portent sur le continent ou ses diasporas un regard d’où l’exotisme est exclu. C’est le cas du Brésilien Mario Cravo Neto qui s’intéresse à la religion du Candomble (Galerie Paci), de Denis Dailleux au Ghana (Camera Obscura), de l’Espagnole Christina de Middel avec ses Afronautes (Juana de Aizpuru), du Français Stéphane Couturier qui photographie en grands formats l’architecture d’Alger (Particulière / Foucher-Biousse), du Néerlandais Ruud Van Empel, auteur d’intense portraits afro (Jackson fine Art). Et bien entendu de nombreux artistes Africains-Américains comme Lyle Ashton Harris (Jablonka Maruani Mercier) ou Dawoud Bey (Stephen Daiter).

Pixels et sels d’argent

Foire commerciale destinée essentiellement aux collectionneurs et aux professionnels du marché, Paris Photo attire chaque année un large public, qui peut y prendre le pouls du monde. Et, surtout, partir à la recherche d’un trésor caché, d’une œuvre particulièrement émouvante, d’une photo qui s’imprimera à jamais sur la rétine. Si vous y allez, cherchez bien, il y a ici un portrait saisissant de la Sud-Africaine Eleanor Xiniwe réalisée en 1891, et là un autre de Chantelle Brown Young réalisé par Giovanni Gastel en 2015 qui méritent bien quelques minutes de contemplation.

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