Trumperie généralisée

Donald Trump, 45e président des États-Unis… Quelle gifle ! Lui qui n’était crédité que d’1 % des intentions de vote lorsqu’il avait annoncé, en juin 2015, qu’il se lançait dans la course aux primaires…

Donald Trump, le président élu, le 9 novembre 2016. © Evan Vucci/AP/SIPA

Donald Trump, le président élu, le 9 novembre 2016. © Evan Vucci/AP/SIPA

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Publié le 14 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Donald Trump au soir de son élection, serrant la main de son futur vice-président Mike Pence , le 9 novembre 2016. © Evan Vucci/AP/SIPA
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Trump, 45e président des États-Unis

Donald Trump a remporté mercredi 9 novembre l’élection présidentielle américaine, coiffant au poteau sa concurrente démocrate Hillary Clinton et succédant ainsi à Barack Obama à la Maison Blanche.

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Lui, le candidat hors système, guère soutenu par son parti, jamais élu. Cet ovni politique moqué tant pour ses déclarations que pour ses mèches filasse ou son teint de latérite, qui flirte en permanence avec le racisme ou le sexisme.

Ce richissime promoteur immobilier qui a multiplié les faillites et qui ne paie pas d’impôts ne pouvait décemment l’emporter. Mais les Américains sont capables de tout. De porter un Noir à la Maison Blanche. Ou peut-être une femme. Ou Trump… Le milliardaire, qu’il faut se garder de sous-estimer (on n’arrive pas là où il est par hasard) et qu’il serait idiot de réduire au personnage fantasque et inquiétant dont il a donné l’image durant la campagne, est devenu, n’en déplaise à ses contempteurs, l’homme le plus puissant de la planète.

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Comment en est-on arrivé là ?

L’Amérique, c’est Janus : deux pays en un, qui vivent côte à côte et se méprisent. D’un côté, les électeurs de Hillary Clinton. Démocrates de Brooklyn ou de San Francisco qui lisent le New York Times en prenant le métro ou en sirotant un expresso, et qui ne comprennent pas que l’on puisse voter Trump. De l’autre, les partisans du tycoon devenu chef d’État. Qui roulent en gros pick-up et regardent Fox News. Eux ne comprennent pas que l’on puisse choisir l’ex-secrétaire d’État d’Obama.

L’Amérique des ploucs blancs a pris sa revanche

La Californie ou le New Jersey, la côte Est et la côte Ouest, contre le Texas ou le Wisconsin, le pays profond. C’est un brin caricatural, mais pas si éloigné de la réalité. Trump a gagné parce qu’il a su s’adresser à cette Amérique qui a perdu confiance. En elle-même, en ses dirigeants et politiciens, en ses institutions. Depuis la seconde guerre d’Irak, en somme, quand elle a compris qu’on se moquait d’elle. Cela a empiré avec la crise de 2008.

Les banques, l’immobilier, la Bourse, tout est parti à vau-l’eau. Cette Amérique déclassée, pessimiste, parfois anxieuse, toujours nostalgique, se sent d’autant plus abandonnée qu’elle n’arrive plus à s’en sortir. Elle rame, même en cumulant les jobs. Elle a aussi le sentiment que les dés sont pipés, que les règles du jeu sont faites par les élites pour les élites. Pis, elle se sait méprisée par le camp d’en face, qui pense qu’elle est sectaire, bête et méchante, souvent raciste. Bref, l’Amérique des ploucs blancs a pris sa revanche.

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Berlusconi, Trump et Le Pen ?

La victoire de Trump en appelle-t-elle d’autres au sein de l’Internationale populiste ? À moins d’être sourd et aveugle, il serait temps de se convaincre que ce qui est possible chez la première puissance mondiale l’est ailleurs. L’Italie n’a-t-elle pas déjà eu son Berlusconi ?

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Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les Le Pen et consorts connaissent désormais la recette et l’appliquent avec méticulosité : se nourrir du désarroi des citoyens en période de crise, cultiver l’identité nationale, mâtinée de xénophobie, clouer au pilori les élites mondialisées jugées responsables du déclin de la nation, vanter les mérites du repli sur soi, exacerber les peurs, clamer que l’on est libre, souverain, indépendant des marchés, des patrons, des lobbies, des partis classiques.

Et, surtout, veiller à ajouter que l’on est diabolisé, par les médias notamment, parce qu’on défend le pays réel, les petites gens, contre un establishment qui ne veut pas que les choses changent. Des deux côtés de l’Atlantique, c’est une évidence, les héritiers du général Boulanger prospèrent.

Ne nous y trompons pas, l’élection de Donald Trump ouvre officiellement une nouvelle ère politique.

En Europe, notamment, les partis populistes font florès, en Autriche – où Norbert Hofer, qui n’a rien à envier à Jean-Marie Le Pen, pourrait être élu à la présidence en décembre –, en Suisse, en Hongrie, au Danemark, aux Pays-Bas, en Italie, en Finlande, en Espagne, en Pologne ou en République tchèque.

Dans leur sillage, une nuée de rémoras intellectuels, tel Éric Zemmour en France, propagent les mêmes idées, la nostalgie d’un passé mythifié conjuguée aux plus sombres prévisions pour l’avenir. Ne nous y trompons pas, l’élection de Donald Trump représente un bouleversement majeur, ainsi qu’un véritable saut dans l’inconnu. Et ouvre officiellement une nouvelle ère politique où tout, même le pire, devient possible.

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