Privées de leurs époux, des Syriennes confrontées aux jihadistes

Des Syriennes ayant vécu sous la coupe du groupe État islamique (EI) racontent comment des couples ont été brisés dans leur village, où les jihadistes ont notamment empêché des maris travaillant à l’étranger de rentrer chez eux.

Des Syriennes se dirigent vers le camp de réfugiés du village de Ain Issa, le 10 novembre 2016. © DELIL SOULEIMAN/AFP

Des Syriennes se dirigent vers le camp de réfugiés du village de Ain Issa, le 10 novembre 2016. © DELIL SOULEIMAN/AFP

Publié le 12 novembre 2016 Lecture : 2 minutes.

« Daech (acronyme arabe de l’EI) a déchiré nos familles », lâche une femme qui se présente sous le pseudonyme de Houda. Avec sa petite fille de cinq mois, elle a fui Al-Hicha, un village qui était jusqu’à vendredi aux mains des jihadistes.

Elle fait partie des milliers de déplacés, rassemblés près de camions chargés de leurs affaires dans un camp improvisé aux portes d’Aïn Issa.

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Cette ville est située à une cinquantaine de kilomètres de Raqa, « capitale de l’EI » qui est la cible d’une offensive des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance dominée par les Kurdes.

« Mon mari travaille au Liban et n’a vu son enfant qu’une seule fois en photo sur WhatsApp. Après, l’EI a interdit toute communication » entre nous, raconte cette femme qui porte une robe à pois jaune.

« Je voulais tellement qu’il voit son enfant mais Daech lui a interdit de revenir au village. Il n’était pas à mes côtés durant les moments les plus durs », ajoute Houda sans donner plus d’explications.

Ce camp improvisé comprend peu d’hommes. Ce sont surtout des femmes, certaines enceintes, et des enfants, qui ont fui les combats pour se réfugier auprès des FDS.

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Des maris à l’étranger

Aux côtés de Houda, au sol, des femmes allaitent leurs bébés. La résignation se lit sur leur visage fatigué et empoussiéré.

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La plupart des déplacés n’ont pas mangé depuis mercredi et attendent de l’aide, d’autres ont quelques légumes qu’ils ont pris avant leur fuite vers Aïn Issa.

Mais pour plusieurs femmes, la rancune est aussi dirigée vers les époux. « La plupart des hommes qui sont allés travailler dans d’autres pays ne reviennent plus et abandonnent leurs enfants », affirme Houda.

Même ton chez Maram, 35 ans, qui comme certaines déplacées, porte un châle recouvrant son visage à l’exception des yeux.

« J’ai cinq enfants, mon mari travaille au Liban et s’est remarié là-bas. Je vis dans des conditions financières difficiles et j’ai dû mal à nourrir mes enfants », déplore-t-elle.

Non loin, des enfants aux cheveux sales et ébouriffés jouent avec insouciance.

Quand on interroge les femmes sur leurs relations avec l’EI au village d’al-Hicha, elles évoquent les sommes d’argent que proposaient les jihadistes à certaines.

Dot des jihadistes

Adossée à une voiture chargée d’affaires et de bois, Fatima Abbas, une femme de 38 ans, assure, en phrases hachées, que « la plupart des femmes » du village « se sont mariées à des jihadistes de l’EI qui les ont séduites grâce à de l’argent ».

« Ils payaient une dot d’un million de livres syriennes (2.000 dollars, 1.800 euros, ndlr), et elle étaient choyées », assure cette femme, son bébé endormi sur ses genoux.

Craignant que des femmes déplacées aient des liens étroits avec les jihadistes, des membres des Assayech (police kurde) inspectent les affaires, à la recherche d’armes, de CD ou de documents qui pourraient prouver une appartenance au groupe ultraradical.

« Tout le monde est soumis à cette inspection », affirme un policier qui dit craindre notamment que l’EI ne confie des affaires aux civils. « Nous ne permettrons pas cela », assène-t-il.

Rouqaya, 25 ans, également d’al-Hicha, affirme aussi qu’un jihadiste l’a demandée en mariage en échange d’une somme d’argent.

« Mais j’ai refusé, je les abhorre », soutient-elle, le visage caché sous un foulard marron.

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