Diaspora : Consuelo Cruz Arboleda, Africaine-Sud-Américaine

Depuis presque dix ans, cette Colombienne installée à Madrid coordonne le groupe afro-socialiste au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol.

Depuis presque dix ans, cette Colombienne installée à Madrid coordonne le groupe afro-socialiste au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol. © Manuel Navia/J.A.

Depuis presque dix ans, cette Colombienne installée à Madrid coordonne le groupe afro-socialiste au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol. © Manuel Navia/J.A.

Publié le 18 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

L’engagement de Consuelo Cruz Arboleda en faveur des Africains et afro-descendants en Espagne a commencé avec un roi. C’était en janvier 2005, peu de temps après avoir quitté Bogotá (Colombie) pour s’installer à Madrid.

Comme chaque année, la veille de l’Épiphanie, la caravane des rois mages allait faire son entrée dans la capitale. « J’ai décidé d’aller voir ce spectacle, se souvient-elle. Mais quelle surprise quand j’ai découvert le roi Balthazar ! Sur son visage, la peinture noire censée camoufler sa peau blanche était en train de couler ! À côté de moi, un petit garçon pleurait en disant à son père : « Mais qu’est-ce qui lui arrive ? » La tradition a toujours décrit Balthazar comme un roi noir. J’étais révoltée. »

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Aujourd’hui, à 51 ans, Consuelo Cruz Arboleda est la coordinatrice nationale du groupe afro-socialiste espagnol. Elle écrit chaque année aux maires affiliés à son parti pour leur demander d’embaucher une personne noire dans la caravane des rois mages.

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Si, en arrivant de Colombie, Arboleda s’investissait déjà dans le milieu associatif, cette fille de coupeur de canne à sucre n’avait pas forcément songé à entrer en politique. Mais alors qu’elle travaillait pour l’association Afroamérica España – ce qui explique sa venue à Madrid -, sa rencontre avec Pedro Zerolo, secrétaire chargé des mouvements sociaux au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), lui a ouvert la voie. « C’est lui qui m’a invitée au PSOE et qui m’a poussée à me lancer dans l’aventure », affirme-t-elle.

Lors de la création du groupe afro-socialiste, en 2005, elle doit essuyer bien des critiques : la coordinatrice est une afro-descendante colombienne et, en plus, une femme ! À la première réunion, riche d’illusions et de projets, elle invite plus de deux cents personnes. « Je me suis retrouvée avec cinq participants, se souvient-elle, amusée. J’aurais pu me décourager, mais aujourd’hui, notre groupe est présent dans plus de dix régions autonomes [sur dix-sept]. »

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Mais que signifie être afro-socialiste ? Si le terme est entré dans le langage courant de ce côté des Pyrénées, il reste plutôt méconnu. « Afro parce que nous sommes Africains ou afro-descendants, une appellation définie par la Conférence mondiale contre le racisme de 2001. Socialistes, parce que c’est le seul parti politique qui nous a donné un espace sous le gouvernement Zapatero (2004-2011) », explique Consuelo, qui a d’ailleurs prêté son visage pour le vote latino-américain lors de la campagne électorale du PSOE de 2010. Le nouveau secrétaire général du parti, Pedro Sánchez, a promis plus de diversité dans les listes pour les élections municipales et régionales de mai 2015.

Les prix Reconnaissance afro-socialiste ont aussi permis de donner une plus grande visibilité au collectif. Ils récompensent des personnes s’engageant en faveur des Africains et afro-descendants. Le réalisateur de cinéma espagnol d’origine béninoise Santiago Zannou, l’ex-ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Ángel Moratinos ou encore la journaliste espagnole d’origine camerounaise Francine Gálvez figurent dans la liste des lauréats. « Zannou a été très touché de recevoir le prix car, pour lui, c’est une marque de reconnaissance qu’il n’a pas forcément ailleurs en tant qu’Africain, insiste Arboleda. L’Espagne a des liens très forts avec le continent, mais la diversité n’y est pas reconnue comme en France. »

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Depuis son enfance, en Colombie, Arboleda rêve d’Afrique. « À l’école, j’apprenais que Néfertiti, la reine de Saba ou encore l’épouse de Moïse, Tsippora, étaient des femmes noires. J’en concevais une grande fierté », raconte-t-elle. Mais cette identité n’est pas facile à vivre : ses professeurs la qualifient de « noire », les garçons préfèrent sortir avec ses amies. Après des études de droit et de sciences politiques à l’université Santiago de Cali, elle suit diverses formations, en technologie industrielle, puis en histoire postcoloniale.

Elle travaille pendant dix ans à Bogotá pour l’association Diasporas dont elle crée la branche espagnole et grâce à laquelle elle organise la première Rencontre internationale des femmes afro (à Madrid, en 2009). Les participantes viennent de Côte d’Ivoire, du Sénégal, d’Éthiopie, de Colombie, d’Uruguay. Députés, ministres, responsables d’associations : « Notre situation est la même, où que nous soyons. Nous souffrons du racisme, et contre cela nous voulons tisser des réseaux », explique la désormais coordinatrice générale de l’Observatoire international des femmes afro.

À la fin de l’année 2015, la Rencontre aura lieu au Sénégal, pays où elle eut son premier contact avec le continent. Submergée par l’émotion, elle avait embrassé le sol, puis ramassé un peu de terre, sur l’île de Gorée, pour la garder en souvenir dans une petite bouteille. « Peu à peu, nous gagnons en influence dans la sphère publique, c’est une lutte permanente », souffle-t-elle.


« Nous souffrons du racisme, et contre cela, tissons des réseaux ! »
© Manuel Navia/Agence vu pour J.A.

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