États-Unis : Hillary Clinton, future présidente ?

L’épouse de Bill Clinton n’est pas encore candidate à la présidentielle de 2016, mais nul doute qu’elle le sera bientôt. Sera-t-elle la première femme à accéder à la Maison Blanche ? Retour sur vingt ans de carrière au plus haut niveau.

Hillary Clinton, ex First Lady, le 21 novembre à New-York. © Spencer Platt/Getty Images/AFP

Hillary Clinton, ex First Lady, le 21 novembre à New-York. © Spencer Platt/Getty Images/AFP

Publié le 17 décembre 2014 Lecture : 5 minutes.

Très probable candidate démocrate à la présidentielle de 2016, Hillary Rodham Clinton est au centre de la vie politique américaine depuis des lustres. Plus de vingt ans après l’élection de son mari, elle continue de focaliser l’attention des médias. Pas une semaine sans que de nouveaux détails sur sa personnalité, son parcours ou sa relation avec Bill ne se retrouvent sur la place publique.

Dernier exemple en date, la publication par le Miller Center de l’université de Virginie de quelque 6 000 pages d’interviews d’une soixantaine d’anciens membres des deux administrations Clinton (1993-2001). Ces entretiens dessinent le portrait en creux d’une ex-First Lady sûre d’elle-même, colérique, intelligente mais pas toujours très habile politiquement.

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À 67 ans, elle a appris à contrôler son image, mais tel ne fut pas toujours le cas : elle fut longtemps passionnée, imprévisible et de sensibilité beaucoup plus "libérale", au sens américain du terme, qu’aujourd’hui. Désormais centriste assumée, elle est concurrencée sur sa gauche par Elizabeth Warren, la sénatrice du Massachusetts.

Dans les années 1990, elle ferrailla jusqu’au bout pour imposer sa réforme de l’assurance santé.

Dans les années 1990, elle ferrailla jusqu’au bout pour imposer sa réforme de l’assurance santé. Son échec cuisant reste pour elle un traumatisme, qui, sans doute, explique son actuelle prudence sur nombre de sujets sensibles. Et son ressentiment envers la classe politique de Washington.

Mais c’est évidemment sa relation avec Bill qui constitue le morceau de bravoure de ces entretiens. Jamais un président américain n’avait eu à son côté – et aucun n’a eu depuis – une femme à la personnalité aussi affirmée. Hillary est la seule First Lady à s’être vu attribuer un bureau dans la West Wing de la Maison Blanche, au coeur même du pouvoir. "Bill Clinton manquait de discipline dans sa vie privée comme dans ses activités intellectuelles ou dans la manière dont il prenait ses décisions. Il avait besoin d’être aidé", explique au New York Times Alice Rivlin, une ex-directrice du budget. "Elle était très forte et il avait désespérément besoin d’elle, renchérit l’ancien conseiller Bernard Nussbaum. Je ne crois pas que, sans elle, il aurait été élu président."

Pas peru de montrer ses émotions

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Autre qualité remarquable chez Hillary : l’indéfectible loyauté qu’elle inspire à ses collaborateurs. "À la différence de Bill, elle n’avait pas peur de montrer ses émotions", commente Roger Altman, ancien secrétaire adjoint au Trésor. Le couple Clinton donnait parfois l’impression d’être seul face au reste du monde. "Bill réagissait violemment aux critiques visant Hillary. Il se mettait en colère et devenait tout rouge", se souvient Mickey Kantor, qui dirigea la campagne électorale de 1992. Il lui faisait confiance jusqu’à en être aveuglé, ne la contredisait que rarement, et jamais en public. "Je ne me souviens pas d’un sujet d’importance à propos duquel elle n’ait fini par emporter son adhésion", confie l’ancien conseiller Abner Mikva.

Même le "problème femmes", selon la pudique expression de Donna Shalala, une de leurs amies, n’a jamais fait dérailler le couple. En 1992, une réunion du staff de campagne eut lieu pour tenter d’évaluer l’incidence des infidélités répétées de Bill sur ses chances d’élection. Hillary y participait !

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Parmi les faiblesses de cette dernière, sa réticence à retirer sa confiance à ses proches, même quand ses intérêts sont en jeu. Cheville ouvrière de l’équipe chargée de faire avancer la fameuse réforme de l’assurance santé – "les bolcheviques", comme disaient certains républicains -, Ira Magaziner était ainsi en conflit ouvert avec certains conseillers de Bill. Or jamais le soutien de sa patronne ne lui fit défaut. Informé, Bill s’abstint de trancher – "difficile de limoger sa femme", observe Kantor -, ce qui précipita le rejet de la réforme par le Congrès et favorisa la victoire des républicains lors des midterms de 1994.

Les attaques glissent sur elle sans l’atteindre

Après sa défaite face à Barack Obama à la primaire de 2008, cet échec est sans doute le plus cuisant de toute sa carrière. Hillary sortira de la scène plusieurs années pour panser ses plaies. C’est néanmoins elle qui, en 1997, convaincra son mari de nommer pour la première fois une femme, Madeleine Albright en l’occurrence, au secrétariat d’État.

Et puis, il y eut le scandale Monica Lewinsky. Selon l’une de ses proches, Susan Thomases, elle n’a jamais songé à divorcer : "Elle l’aurait frappé avec une poêle à frire si elle en avait eu une sous la main, mais pas une seconde elle n’a envisagé de se séparer de lui." Au contraire, c’est une Hillary remontée comme une pendule qui, en 1998, mobilisa les démocrates pour empêcher l’impeachment de son mari. Sans son soutien, nombre de commentateurs estiment que Bill aurait eu le plus grand mal à éviter une telle issue.

La longue, longue carrière de Mme Clinton n’a pourtant pas été exempte de bourdes et de faux pas.

Elle a beau ne pas être encore officiellement candidate à l’investiture démocrate pour 2016, on voit mal qui pourrait l’en empêcher. Les attaques semblent glisser sur elle sans l’atteindre, comme récemment, lorsque Rush Limbaugh, une vedette ultraconservatrice de la télévision, s’exclama à l’antenne : "Est-ce que les Américains veulent voir une femme vieillir sous leurs yeux jour après jour ?" Le dernier rapport parlementaire sur l’attaque du consulat américain à Benghazi, le 11 septembre 2012, innocente presque entièrement la secrétaire d’État qu’elle était à l’époque. Depuis le mois d’octobre, elle dispose en outre d’un atout de poids en la personne de Charlotte, sa petite-fille, dont l’irrésistible frimousse fait craquer tous les Américains.

La longue, longue carrière de Mme Clinton n’a pourtant pas été exempte de bourdes et de faux pas. Les Mémoires qu’elle a consacrés à son passage au département d’État sont par exemple loin d’avoir obtenu le succès espéré par leur éditeur. Récemment, elle a pris à rebrousse-poil les milieux financiers en estimant publiquement qu’il ne fallait pas compter sur eux pour créer des emplois. Ce n’est pas faux ? Sans doute, mais maladroit, le rôle desdits milieux étant essentiel dans toute campagne électorale. Les Américains n’ont pas non plus oublié sa malheureuse déclaration après son départ de la Maison Blanche. Les époux Clinton étaient-ils vraiment "fauchés comme les blés" ? Il n’est pas interdit d’en sourire. Enfin, ses attaques contre la politique d’Obama à l’égard de Daesh passent mal auprès de ses compatriotes.

Il n’empêche, la machine Clinton s’est mise en route. Un "super-PAC" (comité d’action politique), le bien nommé Ready for Hillary, multiplie déjà sur internet les spots à la gloire de la candidate présumée. L’un d’eux montre un ouvrier détruisant au marteau-piqueur un panneau de verre, avec ce slogan en voix off : "Brisons enfin ce plafond de verre !" L’allusion vise, bien sûr, l’obstacle invisible censé empêcher les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités… Dans un autre spot, on entend un homme coiffé d’un chapeau de cow-boy déclarer sa flamme à Mme Clinton : "C’est une mère et, par-dessus tout, une épouse aimante." À considérer le parcours de celle-ci, l’éloge n’a sans doute rien d’excessif.

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