Côte d’Ivoire – PDCI : trois hommes et un couffin

Charles Konan Banny, Konan Kouadio Bertin, Amara Essy… Tous rêvent de porter les couleurs du PDCI à la présidentielle de 2015. Et plutôt que de faire taire leurs ambitions, ils ont choisi de défier le patron du plus vieux parti de la Côte d’Ivoire, qui appelait à soutenir Alassane Ouattara.

Ils sont trois à défier HKB en choisissant de ne pas soutenir Ouattara. © Glez

Ils sont trois à défier HKB en choisissant de ne pas soutenir Ouattara. © Glez

Publié le 23 décembre 2014 Lecture : 5 minutes.

Au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la machine s’emballe. Beaucoup le disaient sclérosé, et l’investiture de l’un de ses membres à la présidentielle de 2015 paraissait exclue : le 17 septembre, lors du désormais célèbre appel de Daoukro, Henri Konan Bédié (HKB), son président, avait annoncé que le PDCI soutiendrait le président sortant, Alassane Ouattara. Mais en l’espace de quelques jours, trois candidats ont avancé leurs pions, sans toutefois dévoiler entièrement leur jeu.

Acte I : Essy malgré lui

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Le 5 décembre, des militants proches de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Amara Essy, déposent son dossier de candidature au siège du parti, dans la commune de Cocody. Essy a préalablement écrit à Bédié pour lui faire part de ses intentions. Tout est prévu pour que cette candidature ne soit rendue publique que quarante-huit heures plus tard, jour anniversaire de la mort de l’ancien président et fondateur du parti, Félix Houphouët-Boigny. Tout un symbole. Mais dès le lendemain, l’information fuite : des militants très enthousiastes en informent la presse, au grand dam des communicants du nouveau candidat.

>> Lire aussi : Amara Essy, le recours du PDCI pour la présidentielle ?

Acte II : Le hold-up de KKB

Dans le camp du député de Port-Bouët, Konan Kouadio Bertin, dit KKB, qui depuis plusieurs mois ne cache pas ses ambitions, c’est la surprise. Dire qu’ils étaient peu nombreux à penser qu’Essy irait au bout de sa démarche est même un doux euphémisme. Une conférence de presse est donc organisée en urgence, et KKB se déclare candidat pour "sauver le PDCI". Le cadet a-t-il voulu prendre de court son aîné, puisque à ce moment-là Essy n’avait pas encore confirmé la rumeur (il le fera le lendemain dans une tribune publiée dans la presse locale) ? "Absolument pas", répond l’intéressé, qui parle d’"un voyage en Europe" programmé le jour même pour expliquer sa précipitation.

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Acte III : Konan Banny pris de vitesse

L’ancien Premier ministre avait lui aussi prévu de sortir du bois et de faire une déclaration, le 8 décembre, afin de défendre "son courant" au sein du parti. Face aux candidatures d’Essy et de KKB, il a donc fallu changer de stratégie… et s’aligner. Oublié le long discours qu’il devait prononcer pour l’occasion. Le 10 décembre, les proches de Konan Banny déposent son dossier de candidature au siège du PDCI, décidément très fréquenté ces temps-ci.

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Konan Banny, Essy, KKB… Trois candidatures et autant d’épines dans le pied pour un Bédié dont on croyait l’autorité quasi inébranlable. Même les quotidiens proches du parti s’interrogent : "Que vaut encore l’appel de Bédié ?" titre Le Démocrate. "Jusqu’où ira Essy Amara ?" s’interroge Le Nouveau Réveil.

Pour le camp d’Essy, la réponse est simple : il ira jusqu’au bout, mais avec le soutien du parti. "Il respecte profondément Bédié, explique un de ses conseillers. Il est aussi très fier de la contribution actuelle des ministres PDCI au gouvernement. Mais il considère ce parti comme un vivier de cadres, au service d’un véritable projet de société, qui ne peut se contenter de jouer le second rôle." Sans doute Essy espère-t-il convaincre les militants de la nécessité d’une candidature PDCI et infléchir la position de Bédié.

Rien à voir avec la stratégie de KKB, le "soldat perdu", ainsi que l’avait surnommé HKB. Avec ou sans le soutien officiel de sa famille politique, il se dit "prêt" à aller aux élections.

La réunion du bureau politique du parti, qui doit se tenir le 18 décembre à Abidjan, sera donc cruciale (comble de l’ironie, les participants devaient en profiter pour débattre des différentes manières d’expliquer l’appel de Daoukro aux militants). On sait que le principe d’une convention nationale, qui pourrait être le théâtre de primaires, y sera discuté. La direction du parti en profitera-t-elle pour invalider les candidatures des trois fauteurs de troubles ? Difficile à dire car, du côté du Sphinx de Daoukro, le silence est de mise. Un de ses proches confie tout de même qu’il a été "très surpris" par la candidature d’Essy : "Konan Banny, il s’y attendait, et c’est surtout contre lui qu’il avait lancé son appel de Daoukro. Mais Essy, il croyait que c’était une blague. Du coup, il prend sa déclaration très au sérieux."

Les dossiers de ceux que l’on appelle aujourd’hui "les irréductibles" ont été "réceptionnés", mais "le PDCI est verrouillé, explique l’un de ses cadres. C’est une machine bien huilée, déjà en marche pour le candidat Ouattara. Il sera très difficile de la faire dérailler". Et la même source de conclure : "Admettons que, par le plus grand des hasards, Bédié soit au fond d’accord avec ces irréductibles. Le voyez-vous aller voir Ouattara, son partenaire depuis quatre ans, et lui dire : "Désolé, je ne peux pas tenir ma promesse ?" Soyons sérieux, la politique, c’est un peu plus compliqué que cela."

>> Lire aussi : présidentielle 2015, les lièvres et la tortue

Au sein du Rassemblement des républicains (RDR, au pouvoir), où l’on veut croire que Bédié saura tenir ses troupes, ces candidatures en série sont accueillies avec sérénité. "Ce qui se passe au PDCI concerne d’abord le PDCI. Nous n’avons pas à commenter, nous observons et nous nous en tenons à l’appel de Daoukro, indique Joël Nguessan, porte-parole du RDR. Le président Ouattara a lui-même dit vouloir affronter un candidat de poids en 2015. Que le PDCI estime en avoir un ou pas est une question de cuisine interne. Comme dans tout parti politique, il y a parfois des chocs d’ambitions."

Et quand les uns raillent la jeunesse et le manque d’expérience d’un KKB, 46 ans, les autres pointent le manque de popularité d’un CKB, 72 ans, ou l’état de santé d’un Amara Essy, bientôt 70 ans. Dans l’entourage du chef de l’État, certains avancent même malignement que ce dernier ne "passera pas l’épreuve de la visite médicale", en référence à cette obligation constitutionnelle pour chaque candidat à la présidentielle de "présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins". Essy, en séjour à Paris depuis quelques semaines, et que Jeune Afrique a pu rencontrer, dit simplement soigner son genou. Il devrait d’ailleurs rentrer très prochainement à Abidjan.

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