Ce que l’Afrique peut attendre de la COP 22
Quinze ans après l’Accord de Marrakech (2001), c’est à nouveau dans la « ville ocre » que l’Afrique a la possibilité de plaider pour une action climatique ambitieuse.
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Ibrahim Assane Mayaki
Ibrahim Assane Mayaki est le secrétaire exécutif du NEPAD.
Publié le 15 novembre 2016 Lecture : 4 minutes.
L’accord de 2001 avait vu, entre autres, le lancement du Mécanisme de développement propre (MDP) qui visait à fournir un appui technologique et financier aux pays en voie de développement pour atténuer les impacts des changements climatiques. À la COP 22, qui se tient à Marrakech du 7 au 18 novembre, des décisions de fond sur la mise en œuvre de l’accord historique de Paris sur le climat sont attendues.
Pour l’Afrique, la question de l’adaptation reste la première priorité.
Les changements climatiques sont réels et se produisent à un rythme plus accéléré qu’initialement estimé, avec des impacts et effets ravageurs sur le continent africain. À tel point que retarder le temps de l’action pourrait annihiler les progrès économiques enregistrés par bon nombre de pays du continent. À l’opposé, un débat vigoureux tourné vers l’action pourrait entraîner des bénéfices à plusieurs niveaux tant économique et financier que social ou environnemental.
Les changements climatiques représentent, tout particulièrement pour l’Afrique, une occasion de repenser les modèles de développement. C’est ce qu’ont compris les dirigeants politiques et acteurs économiques africains qui s’engagent collectivement dans les négociations et actions en faveur du climat. L’Afrique, à travers l’Union africaine (UA) et ses diverses instances, a joué un rôle clé dans le débat sur les changements climatiques, en veillant à ce que le continent adopte une position commune dans les négociations internationales.
L’Afrique doit continuer à parler d’une seule voie dans les débats et dans l’action climatique. Dans le cadre de l’UA, de la mise en œuvre du NEPAD mais aussi de l’Agenda 2063, les dirigeants africains ont adopté un plan d’action pour l’environnement (PAE) pour faire face aux défis environnementaux du continent. Ce plan d’action vise à promouvoir l’utilisation durable des ressources naturelles de l’Afrique, à renforcer l’appui public et politique aux initiatives environnementales et à favoriser l’intégration des questions environnementales dans les stratégies de réduction de la pauvreté. Il permet également la mobilisation de ressources vers des programmes comme la « Grande muraille verte » pour lutter contre la désertification.
Les changements climatiques représentent une occasion de repenser les modèles de développement.
En 2014, le NEPAD a également lancé avec succès un Fonds sur les changements climatiques avec l’appui du gouvernement allemand. Ce Fonds offre une assistance technique et financière aux États membres de l’UA, aux Communautés économiques régionales et aux institutions. Les moyens d’existence dépendent largement des activités agricoles dans la majeure partie du continent, domaine dans lequel les pressions sont particulièrement prononcées.
Plusieurs programmes aux plans régional et continental pourraient constituer d’autres points d’entrée, tels que le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA). La capacité africaine en matière de risque (ARC), quant à elle, aide les États membres à améliorer leurs moyens pour mieux planifier, préparer et réagir aux événements météorologiques extrêmes et aux catastrophes naturelles, protégeant les moyens de production et contribuant ainsi la sécurité alimentaire.
Afin de consolider ces progrès dans le contexte de la COP22, le Groupe africain de négociateurs a notamment appelé à de nouveaux investissements dans la transformation agricole. Ils ont identifié les problèmes critiques qui doivent être abordés à Marrakech, y compris les systèmes d’alerte rapide, les évaluations des risques et de la vulnérabilité pour l’agriculture, les services d’information et les systèmes de financement et d’assurance contre les risques climatiques.
L’Afrique a eu une voix singulière dans les négociations environnementales mondiales et préconise un plus grand respect du principe des responsabilités communes mais différenciées. Dans l’application de ce principe, les régimes d’aide au développement et de financement du climat ont été les principales sources de transfert technologique, de soutien financier pour le développement et la mise en œuvre de projets, le renforcement des capacités, le soutien institutionnel, etc.
Ainsi, l’engagement de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 représente une opportunité pour faire progresser le développement résilient de l’Afrique face aux changements climatiques. Les négociateurs africains devraient inciter les pays développés à accroître leurs appuis financiers à l’adaptation avant la période 2020 et à mieux répondre aux besoins immédiats des États africains vulnérables.
La prolifération des fonds sur les changements climatiques crée des problèmes d’accès pour les pays africains.
Soulignons néanmoins que la prolifération des fonds sur les changements climatiques crée des problèmes d’accès pour les pays africains. Le financement de l’adaptation aux changements climatiques dans l’agriculture est peut-être l’une des questions les plus importantes à résoudre à Marrakech. Le continent africain a besoin d’un accès direct à tous les nouveaux fonds avec une gestion minimale par des intermédiaires.
Cette COP qui se tient en terre africaine représente une occasion unique de faire valoir les besoins du continent et de consolider nos acquis tout en concevant dès aujourd’hui les modèles de notre croissance future. Nous n’avons pas d’autre choix que d’y parvenir, au risque le cas échéant de ne pas remplir notre devoir à l’égard des peuples d’Afrique, soumis plus que tout autre aux rigueurs des changements climatiques à l’œuvre.
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