Tunisie : choc et colère après le non-lieu rendu dans l’affaire Lotfi Naguedh, opposant mort en 2012

La justice tunisienne a prononcé un non-lieu dans l’affaire de la mort, en 2012, d’un responsable du parti Nidaa Tounes, alors dans l’opposition, a indiqué mardi un responsable judiciaire. Un jugement longtemps repoussé et qui provoque aujourd’hui un tollé dans une grande partie de la population.

Rassemblement à la sortie du tribunal le 14 novembre 2016 pour le jugement de l’affaire Lotfi Naguedh. © Capture d’écran/Mosaïque Fm/Youtube

Rassemblement à la sortie du tribunal le 14 novembre 2016 pour le jugement de l’affaire Lotfi Naguedh. © Capture d’écran/Mosaïque Fm/Youtube

Publié le 15 novembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Lotfi Naguedh, coordinateur local de Nidaa Tounes, est mort en octobre 2012 à Tataouine en marge d’affrontements entre ses partisans et des militants proches de la coalition menée par les islamistes d’Ennahdha, alors au pouvoir. Son décès, qui avait fait grand bruit, avait été qualifié par le fondateur de Nidaa Tounes et actuel chef de l’État Béji Caïd Essebsi d’ « assassinat politique ». Le président de l’époque, Moncef Marzouki, avait quant à lui parlé d’un « lynchage ».

Quatre hommes blanchis

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Quatre hommes étaient détenus depuis 2012 et 2013 dans cette affaire. Deux étaient accusés d’homicide volontaire, les deux autres de complicité. Ils ont tous été blanchis de ces accusations dans la soirée du 14 novembre par le tribunal de première instance de Sousse (centre-est), a indiqué à l’AFP Raouf Yousfi, son porte-parole. Ils ont écopé de peines de prison ferme pour avoir participé à des violences mais ont été libérés, la période de détention provisoire couvrant le jugement, a-t-il ajouté.

Six autres accusés comparaissaient libres et ont été condamnés à des peines de prison allant de quatre mois à un an, notamment pour agression avec violence et port d’arme visible pendant un rassemblement. Mais ils ne seront pas non plus emprisonnés, ayant déjà passé du temps en détention.

L’affaire avait été reportée plusieurs fois, aux 14 avril, 16 mai, 6 juin, 22 septembre puis 10 novembre 2016. L’un des accusés, Saïd Chebli, a salué « une victoire de la justice ». « Ce qui nous est arrivé est en réalité une injustice (…). Les forces de l’apostasie qui ont fait de nous des criminels ont voulu enterrer (…) les concepts de liberté et de dignité », a-t-il déclaré.

Une « catastrophe »

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Le Parquet de Sousse a fait appel de ces condamnations. « Pour nous, c’est une catastrophe », a dit à la radio Shems FM Mourad Dalech, un avocat de la famille de Lotfi Naguedh.

Le non-lieu est “dépourvu de tout fondement juridique”, a estimé quant à lui Hassine Zorgui, membre du collectif de défense des héritiers de Lotfi Naguedh. Dans une déclaration le 15 novembre à l’agence TAP, il a ajouté que le collectif “ne s’attendait pas à un tel verdict, au même titre que les accusés, qui n’imaginaient pas être acquittés dans cette affaire”, assurant que la défense interjettera elle aussi appel le lendemain auprès de la cour d’appel de Sousse.

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Selon Nidaa Tounes, Lotfi Naguedh a été passé à tabac lors d’une attaque des manifestants contre le siège du syndicat qu’il dirigeait. La manifestation avait été organisée par la Ligue de protection de la révolution (LPR), un regroupement d’organisations accusé d’être derrière plusieurs actes de violences depuis la révolution de 2011 et qui a été dissous. Le ministère de l’Intérieur avait confirmé les violences mais assuré que la victime avait été terrassée par « une crise cardiaque ».

Sur la Toile, plusieurs personnes ont partagé leur colère face à une justice « honteuse », « corrompue », et « choquante », mettant en doute son indépendance vis-à-vis du pouvoir. Parmi elles, la député Nadia Chaabane, l’avocat Ghazi Mrabet ou encore l’écrivain Abdelaziz Belkhodja :

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