Mali – France : Lazarevic et Sofara
Un Français vaut-il plus qu’un Malien ? Certains jugeront la question déplacée. Elle mérite pourtant qu’on s’y arrête au vu des circonstances qui ont mené à la libération, le 9 décembre, de Serge Lazarevic. Un homme, en tout cas, la pose, et il en a toute la légitimité.
Sidi Sofara a perdu son frère en juin. Kola Sofara, gardien à la prison centrale de Bamako, a été tué par un détenu, Mohamed Aly Ag Wadoussène, lors de son évasion. Après s’être caché quelques jours, cet homme de 25 ans soupçonné d’avoir organisé en novembre 2011, pour le compte d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, le rapt de Lazarevic et d’un autre Français, Philippe Verdon (assassiné depuis), a été retrouvé par les forces de l’ordre et de nouveau incarcéré. Mais aujourd’hui, il est libre.
Le Mali a fini par reconnaître que Wadoussène, son complice Haïba Ag Acherif et deux autres jihadistes, ont été libérés quelques jours avant Lazarevic. Cet "échange de prisonniers" faisait parti du deal, tout comme, très probablement (mais les autorités françaises nieront sans doute l’évidence), le versement d’une rançon.
Les libérations d’otages soulèvent toujours un flot de polémiques et d’hypocrisies. Faut-il verser une rançon ? On peut en effet s’interroger sur la logique qu’il y a, pour un pays, à "financer" des groupes que ses soldats combattent sur le terrain et qui enlèveront d’autres otages. En juillet, le New York Times a estimé à 125 millions de dollars le montant des rançons versées depuis 2008 par plusieurs États européens aux filiales yéménite et maghrébine d’Al-Qaïda. Dont près de la moitié pour la France.
Autre question : faut-il libérer des jihadistes pour sauver des otages ? En 2010, Paris avait déjà obtenu de l’ex-président malien Amadou Toumani Touré qu’il élargisse, en dehors de tout cadre légal, quatre jihadistes en échange de la libération d’un seul de ses ressortissants, Pierre Camatte. Parmi eux, Hamada Ould Mohamed Kheirou, qui s’est illustré par la suite en créant le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, l’un des groupes qui sèment la mort au Mali et au Niger – les deux pays qui ont permis la délivrance de Lazarevic.
Cette dernière libération pose un autre problème : est-il acceptable de relâcher un homme qui, outre le fait d’appartenir à un groupe terroriste, est accusé d’avoir tué dans un contexte de droit commun ? Les présidents français, malien et nigérien se sont réjouis de la libération de Lazarevic tout en sachant ce qu’elle impliquait. Auront-ils la décence d’expliquer pourquoi le procès de l’assassin de Kola Sofara se tiendra par contumace ? Ou, par leur silence gêné, donneront-ils raison à son frère quand il dit que la vie d’un Malien a moins de valeur que celle d’un Français ?
>> Lire aussi : trois questions sur la libération de l’otage français Serge Lazarevic
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