L’argent des Africains : Michel, gérant de chambres d’hôtes au Sénégal – 229 euros par mois

Michel a 36 ans. Après un master en gestion hôtelière à Dakar, ce Casamançais a fait parler son sens de l’entrepreneuriat en Guinée-Bissau et maintenant chez lui, à Ziguinchor. Pour ce nouveau numéro de notre série l’argent des Africains, il nous ouvre son portefeuille.

Le fleuve Casamance à Ziguinchor (image d’illustration). © KaBa (DR)

Le fleuve Casamance à Ziguinchor (image d’illustration). © KaBa (DR)

Publié le 23 novembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Le caquètement des poulets qui s’égayent dans la basse-cour et les salutations des amis et voisins ne le détournent pas de la conversation. Il est dix heures ce matin dans le quartier de Colobane, en périphérie de Ziguinchor, et Michel retrace le fil de sa carrière et de sa vie. Un fil tissé entre Dakar, d’où cet élégant Sénégalais est reparti avec son master de gestion hôtelière sous le bras, Ziguinchor, où Michel a travaillé pendant six ans comme comptable dans le plus bel hôtel de la ville, le Kadiandoumagne, et les îles Bijagos, en Guinée-Bissau, où il est devenu gérant d’un autre établissement.

Mais aujourd’hui, cette vie est derrière lui. Michel est rentré à Ziguinchor, que tout le monde ici appelle affectueusement « Zig ». La fin de l’exil pour lui : « J’aimais beaucoup travailler en Guinée-Bissau, mais c’était un emploi saisonnier. L’hôtel fermait pendant l’hivernage, je n’étais salarié que du 1er octobre au 31 juillet. Alors au lieu de partir en vacances avec l’argent que j’ai mis de côté, j’ai décidé de me créer mon propre emploi », confie-t-il sur un ton empreint de prudence et de confiance.

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Une vocation de businessman

À 36 ans, Michel Manga entame une reconversion audacieuse, des halls d’hôtels chics au commerce de plantes. Car le trentenaire vient tout juste de se lancer dans le business, sur un marché bien précis : « Avec trois amis, j’ai créé ma société,  Djimanga services. Notre idée, c’est de faire le lien entre les cultivateurs de la région, qu’on connaît bien, et les grandes boîtes pharmaceutiques et cosmétiques sénégalaises qui ont du mal à trouver des fournisseurs de qualité. »

Michel et ses collègues ont déjà arpenté la fertile Casamance en long, en large et en travers, s’appuyant sur leurs nombreuses connaissances dans la région pour créer des partenariats avec les agriculteurs du coin : « Ici, c’est essentiel de connaître les gens et les façons de faire pour réussir dans les affaires. C’est surtout cela qu’on vend aux grandes entreprises sénégalaises, qui connaissent mal le terrain. » Il espère donc faire valoir ses réseaux. Et signer les premiers contrats début décembre.

Gérant de chambres d’hôtes

Ces entreprises exportent ensuite ces plantes en Europe, où elles seront utilisées dans la fabrication de médicaments ou de parfums : « On compte beaucoup sur la récolte de moringa (une plante aux vertus antiseptiques, ndlr) et sur la pulpe de citron (pour les parfums, ndlr) pour lancer notre business. On en trouve en assez grande quantité en Casamance et ce sont des produits demandés », assure Michel.

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En attendant que les affaires prennent, Michel vit de ses premières amours : l’hôtellerie. À sa manière, puisqu’il a transformé sa maison au perron pavé de coquillages en chambres d’hôtes. Il gagne ainsi 150 000 francs CFA par mois en moyenne, soit 229 euros, ce qui équivaut au montant du loyer qu’il verse.

« Je m’estime heureux parce que les touristes commencent à revenir depuis que la France a enlevé la Casamance de sa liste des ‘zones à risques’. Mais ça reste la galère », déplore-t-il. Car pour vivre en attendant d’engranger les premiers bénéfices de son affaire, Michel doit vivre sur les économies qu’il a patiemment constituées pendant ses années de travail en hôtellerie.

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46 euros de transport

En plus du loyer, Michel doit régler 32 euros d’eau et d’électricité chaque mois pour faire tourner ses chambres d’hôtes. « Sans compter la nourriture », renchérit-il, grand cordon bleu. « J’ai la chance de savoir bien cuisiner, alors ça ne coûte pas trop cher, j’arrive à m’offrir un peu de poisson grillé ou des crevettes. Elles sont délicieuses ici ». Pour lui, il faudra donc compter 23 euros mensuels pour déguster riz blanc et crustacés parfois.

Outre ces contraintes de base, Michel ne regarde pas à la dépense pour lancer sa société. Il se déplace très fréquemment, que ce soit pour régler les démarches officielles dont il est en charge – « l’administratif, c’est la plaie du Sénégal ! », plaisante-t-il – ou aller à la rencontre des récoltants dans les villages alentours. Coût mensuel du transport, 46 euros, auxquels s’ajoute le budget internet et téléphone : 23 euros par mois. Tout cela rend le coût de la vie « beaucoup trop élevé au Sénégal » au goût de Michel.

Un constat qui ne l’empêche pas de rester philosophe et de se savoir chanceux de ne pas devoir aider toute une famille. « Surtout que la famille est élastique, ici », renchérit-il : « Mes parents sont fonctionnaires et peuvent subvenir à leurs besoins et ceux de mes frères. C’est une chance. Après, dès que je peux, j’aide mes petits frères pour leur montrer que le grand pense toujours à eux. »

Avec tous ces projets, Michel n’a pas vraiment le temps de penser aux vacances. Pourtant, il parvient à se préserver quelques jours de loisirs chez des amis dans les villages de Casamance, « à Diembéring ou Kafountine ». « Je suis devenu trop vieux pour les discothèques, et tant mieux, parce que ça coûte trop cher. Mes loisirs, ce sont ces sorties dans les villages avec mes amis, où on discute et on boit du vin de palme. » Pour 12 euros mensuels en moyenne. « Largement assez pour passer du bon temps » selon Michel, qui espère voir son entreprise prospérer aussi vite que possible. « D’abord pour gagner à nouveau de l’argent, mais surtout pour rendre fiers les miens », conclut-il.

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