Quand le cacao s’échangera en euros…

Chacun de leur côté, deux opérateurs boursiers américains s’apprêtent à lancer de nouveaux marchés libellés dans la monnaie unique européenne. Et les négociants de fèves, qu’en disent-ils ?

Le marché du cacao est estimé à 13 milliards d’euros par an. © AFP

Le marché du cacao est estimé à 13 milliards d’euros par an. © AFP

Publié le 27 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

En s’exportant en Europe, la bataille pour le contrôle du marché du cacao, qui oppose deux opérateurs boursiers américains, devrait avoir une conséquence inattendue : la fève, qui s’échangeait jusqu’à présent en dollars (à New York) et en livres sterling (à Londres), pourra bientôt l’être en euros.

Car l’un des deux protagonistes, Intercontinental Exchange (ICE), qui détient déjà les marchés américain et londonien, entend en lancer un troisième en avril, toujours à Londres mais avec des contrats libellés dans la monnaie unique européenne, via sa filiale ICE Futures Europe. Le groupe basé à Atlanta entend ainsi rattraper – et devancer – son concurrent de Chicago, CME Group, qui avait annoncé en juin 2014 son intention de lancer cette année en Europe un projet identique.

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Pour Olam, le négoce ne suffit pas

Parmi les géants de la transformation de la fève, il y a bien sûr l’américain Cargill et le suisse Barry Callebaut. Désormais, il y a aussi le singapourien Olam. En pleine stratégie de recentrage, le groupe asiatique a annoncé, le 16 décembre, le rachat des activités cacao de l’américain Archer Daniels Midland (ADM), l’un des leaders historiques dans ce domaine. Montant de l’opération : 1,3 milliard de dollars (environ 1 milliard d’euros).

Sont concernés des usines de transformation de fèves dans sept pays (Pays-Bas, Allemagne, Brésil, Singapour, Canada, Côte d’Ivoire et Ghana), pour une capacité totale de 600 000 tonnes par an, dix entrepôts, quatre centres d’innovation, les marques deZaan et Unicao, ainsi qu’un réseau de commercialisation dans seize pays.

Olam, qui opérait déjà dans le négoce de cacao et plus marginalement dans sa transformation (poudre, beurre et liqueur), porte ainsi sa capacité totale de transformation à 700 000 tonnes par an et sa part de marché à environ 16 %.

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Convaincant

Alors que le marché à terme de New York est notamment porté par des fonds spéculatifs et des financiers, celui actuellement opérationnela à Londres est un marché physique où les traders négocient directement leur cacao en Afrique de l’Ouest pour les pays importateurs. L’objectif d’ICE, en lançant ce nouveau projet, est d’empêcher un mouvement de ces négociants de cacao vers le futur marché en euros de CME Group.

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Il faut dire qu’en juin Tim Andriesen, le directeur général de CME Group, s’était montré convaincant lorsqu’il avait martelé à Reuters que l’actuel marché de Londres pouvait être amélioré. « Avec beaucoup de contrats livrés physiquement, il s’agit de trouver le bon timing entre la livraison et le stockage. C’est un marché difficile, mais nous avons cent soixante ans d’expérience aux États-Unis », avait-il expliqué à l’agence.

Voyant son marché en livres sterling menacé par la concurrence, David Peniket, le directeur général d’ICE Futures Europe, a pris les devants. « En nous appuyant sur une vaste consultation du marché, nous estimons qu’il y a une réelle demande, portée par une nécessité commerciale, pour que les contrats de cacao soient libellés en euros », a-t-il estimé.

L’Europe étant la plus grande zone de consommation de chocolat et de confiseries, un marché libellé dans la monnaie unique peut effectivement attirer les négociants et les fabricants qui cherchent à couvrir leurs positions. D’ailleurs, les grandes entreprises de transformation de la fève telles que Cargill, Barry Callebaut et Archer Daniels Midland (ADM) semblent soutenir l’idée de ce nouveau marché, car il les aiderait à réduire leurs coûts de couverture de change.

D’autant que le franc CFA – qui a notamment cours en Côte d’Ivoire, premier producteur de cacao avec 1,4 million de tonnes en 2014 – est arrimé à l’euro. Pour les acteurs du cacao basés dans les pays producteurs d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest membres de la zone CFA, « l’introduction du contrat à terme libellé en euros sera donc bénéfique », indique Jean-Marc Anga, directeur de l’Organisation internationale du cacao (ICCO).

Attentisme

Reste que le projet ne fait pas l’unanimité. Le cacao est un marché de niche (estimé à moins de 13 milliards d’euros par an) avec, à la différence des opérations à terme d’autres produits agricoles comme le maïs et le soja, de faibles niveaux de liquidité.

D’après les négociants, les volumes ne peuvent pas supporter trois marchés en Europe. Derek Chambers, chargé du cacao chez Sucres et denrées (Sucden), à Paris, affirme : « Le marché est absolument partagé sur la question. »

D’après lui, la plupart des commerçants ont la capacité de couvrir leur exposition aux devises, et nombre d’entre eux auront une approche attentiste et observeront l’attractivité qu’exercera l’initiative d’ICE.

Pour aller plus loin :

– Cacao : « L’Afrique de l’Ouest restera la première zone de production mondiale »

– La Côte d’Ivoire bientôt leader mondial de la transformation du cacao

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