RDC : le Premier ministre Samy Badibanga est-il belge et/ou congolais ?
Moins d’une semaine après sa nomination, Samy Badibanga se retrouve au cœur d’une controverse. À en croire ses détracteurs, le nouveau Premier ministre de la RD Congo détiendrait la nationalité belge alors que la nationalité congolaise se veut « une et exclusive ».
Il a suffi d’un tweet pour que la polémique soit lancée. Dans la soirée du samedi 19 novembre, vers 22 heures 44, Olivier Kamitatu partage un vieux document du Moniteur, journal officiel belge, dans lequel le nom de Samy Badibanga Ntita est repris parmi les personnes naturalisées belges au 17 février 2002.
Est-ce un « sosie » du nouveau chef du gouvernement congolais ? interroge alors ironiquement l’ancien président de l’Assemblée nationale, la nationalité congolaise ne pouvant se détenir concurremment avec une autre…
Le Moniteur du 08 mai 2002 révèle qu'un dénommé Badibanga Ntita, né le 12/09/1962 est devenu belge par voie de naturalisation ! Un sosie ? pic.twitter.com/2buUtiyduI
— Olivier Kamitatu Etsu (@OlivierKamitatu) November 19, 2016
La nationalité est un des éléments fondateurs de la paix en RDC. »
« Situation inconfortable »
« Je ne fais que relayer une information qui avait été publiée sur un site d’infos », explique à Jeune Afrique Olivier Kamitatu, l’un des vice-présidents du G7, plateforme qui soutient la candidature de l’opposant Moïse Katumbi à la prochaine élection présidentielle en RDC.
Et de rappeler : « La nationalité telle que définie dans la législation congolaise est l’un des éléments fondateurs de la paix en RDC. » Allusion faite notamment à la guerre de 1998 au cours de laquelle des Banyamulenge réclamaient la reconnaissance de leur appartenance à la communauté nationale congolaise.
Pour lui, en ayant pris des libertés avec la loi de son pays d’origine et avec celle de son pays d’adoption, Samy Badibanga se retrouve dans une « situation inconfortable ». « En Belgique, un débat est en train de s’ouvrir sur ces personnalités belges qui s’enrichissent dans leurs pays d’origine mais qui réclament la protection diplomatique de la Belgique alors qu’ils n’y payent pas d’impôts », relève Olivier Kamitatu qui jure lui n’avoir « jamais acquis une nationalité étrangère », contrairement à certaines rumeurs.
« La RDC ne peut fermer sa porte à ses enfants »
À la présidence de la République, on reste, pour l’instant, serein. « Nous gardons le cap : Samy Badibanga est le Premier ministre et son gouvernement va être mis en place dans les heures ou jours qui viennent », confie Bernabé Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique du président Joseph Kabila.
Pour le diplomate congolais, le législateur congolais a déjà tranché sur la question de la double nationalité de certains Congolais. « Un moratoire [le temps nécessaire pour choisir entre les deux nationalités] leur a été accordé, sinon un grand nombre de personnalités dans les institutions du pays et dans les entreprises publiques ne seraient plus en place », soutient Kikaya Bin Karubi.
« La RDC ne peut pas fermer sa porte à cette expertise avérée de ses fils et filles qui ont librement choisi de rentrer servir le pays de leurs ancêtres », conclut-il.
Un moratoire obsolète ?
Problème : le moratoire dont il est question paraît aujourd’hui obsolète. Il accordait en effet en 2004 un « délai de trois mois » à tout Congolais, détenteur d’une double nationalité, pour recouvrer la nationalité congolaise après avoir, au préalable, rénoncé à celle d’un État étranger.
#RDC : en fait, le moratoire, c'est l'art.51 de loi n° 04/024 du 12/11/2004 relative à la nationalité congolaise. -> https://t.co/Enp7E0Z2MR pic.twitter.com/l7fBLZ62Wq
— Trésor Kibangula (@Tresor_k) November 20, 2016
Le 12 février 2007, le député José Makila avait déposé une motion exigeant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire afin d’identifier tous les animateurs des institutions du pays qui seraient détenteurs d’une double nationalité. Mais là encore, le bureau de la chambre basse, conduite alors par Vital Kamerhe, avait reconduit un moratoire de trois mois à toutes les personnes concernées.
« En fait, le fameux moratoire n’a autorisé personne à détenir la nationalité congolaise cumulativement avec celle d’un État étranger, en violation de la Constitution », souligne le député Christophe Lutundula (G7, opposition). Pour lui, cette « période de tolérance a expiré depuis 12 ans ». « Ce n’était qu’un simple appel à lever l’option définitive pour la nationalité congolaise adressé à ceux qui voulaient briguer des mandats politiques en RDC alors qu’ils n’avaient plus la nationalité congolaise. »
« Il y a un problème »
Très présent dans le débat sur la twittosphère congolaise, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, ministre congolais sortant en charge des Relations avec le Parlement, voudrait insister sur le principe. « Ce n’est pas le cas de Samy Badibanga en soi qui m’intéresse, explique-t-il à Jeune Afrique. Mais à partir du moment où on détient une nationalité étrangère, on n’est plus congolais, suivant l’article 10 de la Constitution. Et si on se trouve à un niveau d’exercice du pouvoir où on peut engager l’État congolais alors qu’on est un étranger, il y a un problème. »
Art 10, Constitution congolaise: "La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre"
— Prof. T. Kin-kiey Mulumba (@kkmtry) November 21, 2016
L’investiture de Badibanga sera impossible tant qu’il n’est pas congolais.
Affirmant avoir défendu le choix de Samy Badibanga au poste de Premier ministre, Kin-Kiey Mulumba avoue que cette affaire de la double nationalité supposée du nouveau chef de gouvernement congolais l’ « embête ».
« C’est avant tout une question morale, poursuit ce cadre du bureau politique de la Majorité présidentielle (MP). Il faut immédiatement déclencher la procédure de renonciation de la nationalité belge. Son investiture au Parlement sera impossible tant qu’il n’est pas congolais », prévient-il.
Pour l’instant, Samy Badibanga n’a pas réagi. Il a été reçu ce mardi par le président Joseph Kabila qui « lui a prodigué des conseils et quelques orientations », selon le site de la présidence de la République. Ont-ils abordé la question qui fâche ?
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