Qui sont les webactivistes africains ?
CFI, l’agence française de coopération médias, publie ce mardi le portrait-robot de 75 militants actifs sur le web, sondés au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Ghana, à Madagascar et en République démocratique du Congo (RDC).
Le webactivisme africain ne se limite pas à la surveillance des bureaux de vote lors d’élections. Avec le développement des réseaux internet et mobile, les formes de militantisme citoyen mettant à profit les technologies numériques pullulent. C’est du moins ce qui ressort d’un rapport Canal France International (CFI), présenté à Paris le 22 novembre.
Au-delà des printemps arabes, des « Y’en a marre », « Balai citoyen », et autres « Filimbi » très actifs sur Facebook et Twitter, et largement médiatisés, l’étude publiée par CFI tente de cerner le profil de 75 activistes en ligne interrogés en juin 2016.
Qui sont ceux qui prennent l’initiative de Code by night au Bénin, carte interactive signalant les quartiers de Cotonou qui manquent d’électricité ? Ou ceux qui mettent sur pied diverses initiatives mises en avant dans le document CFI : un groupe malien sur WhatsApp des adorateurs de l’open data, Méritocratie malienne, censé juguler les pistons et les prébendes sur Facebook, Carto-malaria au Burkina, cartographie des zones où le paludisme se développe le plus activement…
Points communs
« Les premiers acteurs citoyens sur le terrain numérique sont apparus il y a une dizaine d’années en Afrique francophone », note CFI. Ce sont « des jeunes, surtout des hommes, qui viennent du journalisme, des ingénieurs, des informaticiens ou des spécialistes ».
Mais quel point commun y a-t-il entre les cyberactivistes africains ? Entre Cheikh Fall, à l’origine de la campagne #sunu2012 de mobilisation sur internet lors de l’élection présidentielle de 2012 au Sénégal et fondateur d’Africtivistes, la ligue africaine des webactivistes, Mylène Flicka, la fondatrice d’Irawo qui veut recenser tous les talents du Bénin dans les domaines de l’entrepreneuriat, de l’art, de la littérature, de l’économie ou de la danse, Maurice Thantan, qui dirige l’Association des blogueurs du Bénin, ou Alexandre Gubert Lette, fondateur de l’espace de co-working Rufisque Tech Hub en banlieue de Dakar… ?
« C’est d’abord leur niveau de formation initiale qui frappe. La plupart des acteurs ont suivi des études universitaires souvent assez poussées », note CFI.
Des Bac+5 en journalisme, communication, informatique et commerce
Il en va ainsi par exemple de Maurice Thantan et Mylène Flicka, qui sont tous deux sont passés par l’École nationale d’administration et de la magistrature du Bénin avant de choisir la voie de l’innovation citoyenne.
« J’ai éprouvé beaucoup de déception après mon diplôme de l’École nationale d’administration. En allant faire un stage au ministère des Affaires étrangères du Bénin, j’ai eu la plus grande désillusion de ma vie, en raison de la lenteur administrative, des méthodes employées et toute cette panoplie de petites erreurs dans l’administration qui m’ont beaucoup énervée. C’est ce qui m’a conduit à Internet, pour montrer que des gens font des choses bien au Bénin », explique Mylène Flicka, citée dans ce rapport.
Freins
Le cyberactivisme africain se heurte à plusieurs freins, en plus des coupures d’internet désormais bien connues, des délestages électriques ou du coût de l’accès à Internet qui demeure souvent élevé.
À commencer par le faible rôle que jouent les femmes. « À Gao, des jeunes voulaient parler de la planification familiale à des femmes. Les imams les ont interpellées pour dire qu’elles étaient dans une ville musulmane et qu’elles n’avaient pas le droit de parler de planification familiale aux jeunes filles », dit la juriste et activiste malienne Lalaicha Maiga.
Plus empiriquement, la difficulté à obtenir une extension pour le nom de domaine du Bénin avait donné lieu à la campagne « rendez-nous-le.bj », protestation en ligne récente afin que l’opérateur historique Benin Télecoms améliore la gestion du .bj en facilitant son acquisition à distance.
Le rapport s’inquiète, enfin, du passage de relais aux nouvelles générations. Les activistes de la première heure « sont confrontés à un choix important : poursuivre leurs activités citoyennes bénévoles et chronophages, ou s’engager dans un emploi traditionnel et rémunérateur qui leur laissera peu de temps libre et exigera, plus ou moins explicitement, une forme de devoir de réserve de leur part. L’expérience acquise n’a pas toujours pu être transmise correctement aux plus jeunes, d’autant que les actions citoyennes sont rarement documentées. »
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