La promotion de l’entrepreneuriat ne doit pas faire oublier les PME
La figure de l’entrepreneur fait l’objet d’un mythe puissant et attractif, non seulement dans le monde, mais aussi plus spécifiquement en Afrique. On ne compte plus les ouvrages et les forums qui vantent les start-up et leur potentiel pour l’Afrique.
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Didier Acouetey
Entrepreneur et fondateur du cabinet de recrutement AfricSearch
Publié le 22 novembre 2016 Lecture : 2 minutes.
L’entrepreneuriat est fréquemment présenté comme l’arme d’emploi massive qui permettra de donner une activité économique aux 11 à 13 millions de jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année sur le continent.
Plusieurs éléments m’inquiètent dans cet engouement pour l’entrepreneuriat. D’abord, que les États ne se désengagent de leurs missions régaliennes, sous le fallacieux prétexte que les jeunes créeront eux-mêmes leur emploi. Or il ne pourra y avoir d’entrepreneurs sans électricité, sans réseaux de transport, sans accès à internet et sans dispositifs de soutien à l’amorçage.
Ensuite, je crains par dessus tout que les PME ne soient à nouveau les oubliées de la transformation économique de l’Afrique. Inciter à la création de nouvelles entreprises constitue à n’en pas douter un noble objectif. Mais que cela ne se fasse pas au détriment de notre tissu industriel déjà existant et encore fragile. Je le maintiens, les PME sont le parent pauvre de la croissance africaine. Trop souvent oubliées des décideurs, elles restent pourtant le principal moteur de la transformation du continent. L’entrepreneuriat est un complément à l’emploi, en aucun cas un objet de substitution.
Que ce plaidoyer sur les entrepreneurs ne soit une nouvelle façon de s’acheter une conscience tout en remettant à demain ce qui pourrait être fait dès aujourd’hui.
Comprenez-moi bien, il convient de cultiver un esprit entrepreneurial. La création d’entreprise est vitale pour nos économies et je serais bien mal inspiré d’affirmer le contraire. Mais l’entrepreneuriat crée les emplois de demain. Or les possibilités d’emplois doivent exister dès aujourd’hui. L’urgence est là. J’identifie seulement le risque que ce plaidoyer sur les entrepreneurs ne soit une nouvelle façon de s’acheter une conscience tout en remettant à demain ce qui pourrait être fait dès aujourd’hui.
Une ébauche de tissu industriel et commercial existe en Afrique et c’est celui-là qu’il convient de protéger et de faire grandir en priorité. Pour créer ces emplois, il faut donner également la priorité aux PME et pas seulement à des entreprises en devenir. Parce qu’elles sont la seule fondation possible d’une croissance durable.
Rappelons qu’en Afrique, les PME représentent 90 % des sociétés privées, 33 % du PIB et sont à l’origine de 45 % des créations d’emplois. Grâce à leur répartition jusqu’au cœur des territoires, elles irriguent toute l’économie africaine… et peuvent constituer les premiers clients des start-up en création ou en gestation.
En plus des difficultés communes aux entrepreneurs du monde entier, les patrons africains sont confrontés à des obstacles bien particuliers. D’abord, l’accès aux financements est trop limité. À cela s’ajoutent les problèmes d’infrastructures, dont l’accès à l’électricité constitue un frein majeur. Enfin, elles préfèrent souvent rester dans l’informel pour ne pas être matraquées par la fiscalité et les complications réglementaires. C’est là que nos gouvernements peuvent et doivent agir. C’est une condition absolue de notre développement et une exigence à la création de véritables champions africains.
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