Algérie : le grand patron Issad Rebrab mise sur la colocalisation
Depuis trois ans, le patron du groupe Cevital déploie une stratégie d’internationalisation particulièrement offensive. Mais qui n’a pas encore percé au sud du Sahara.
À 72 ans, Issad Rebrab est plus entreprenant que jamais. Mi-octobre, à l’invitation de décideurs du Sri-Lanka, le PDG fondateur de Cevital s’est entretenu avec le Premier ministre du pays, Ranil Wickremesinghe.
Objectif : la construction d’un complexe industriel d’une centaine d’hectares, comprenant une raffinerie de sucre et une usine d’huile végétale, qui permettrait à Cevital de prendre pied en Asie. L’opération, estimée à 215 millions de dollars, pourrait être conclue d’ici deux ans.
« Voir grand, commencer petit et aller vite », tel est le credo d’Issad Rebrab. Depuis 2013, le PDG du premier groupe privé d’Algérie sillonne le monde à la recherche d’opportunités d’investissement. C’est en Europe que l’ancien expert-comptable a fait ses premières emplettes, avec l’acquisition, en juin 2013, du fabricant français de portes et fenêtres en PVC Oxxo, pour 12 millions d’euros, puis Alas, une usine espagnole d’aluminium.
L’année suivante, c’est au tour de FagorBrandt, spécialiste de l’électroménager dans l’Hexagone, de rentrer dans le giron du groupe algérien, moyennant 200 millions d’euros. Puis, en 2015, Issad Rebrab reprend les aciéries Lucchini (rebaptisées Aferpi), basées à Piombino, dans le nord de l’Italie, pour 400 millions d’euros.
« Il faudrait ériger une statue de Rebrab ! »
L’enfant de Tizi Ouzou ne passe plus inaperçu. En Europe, le fondateur du conglomérat Cevital produit du sucre, des conserves, du verre, gère des dizaines de supermarchés et possède le quotidien Liberté… Il est considéré comme un sauveur d’entreprises en difficulté.
En Algérie, il force l’admiration de nombre de décideurs économiques et d’entrepreneurs. « Il faudrait ériger une statue à l’effigie de Rebrab ! Tout ce qu’il fait, c’est ce que l’Algérie, tous secteurs confondus, devrait faire depuis vingt ans. La seule façon de rattraper le temps perdu, c’est d’aller à l’étranger et d’acheter des actifs », a déclaré l’ex-directeur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, lors d’une interview à Radio M.
« Sa volonté d’aller à l’étranger est le résultat d’un développement très agressif en Algérie depuis le début des années 2000 et d’une forte accumulation de trésorerie qui lui donne des opportunités », confiait à Jeune Afrique un autre grand patron algérien, Slim Othmani, président du conseil d’administration de NCA Rouiba.
Une stratégie liée à un renversement historique
L’internationalisation de Cevital est caractéristique d’un renversement historique, lié à la crise financière mondiale de 2008. « La crise en Europe est une opportunité unique telle qu’il ne s’en présente qu’une seule en un siècle. On peut aujourd’hui aller faire son marché en là-bas et acheter à bas prix des entreprises, qui permettront de transférer du savoir-faire et de la technologie », martelait Issad Rebrab, lors de la deuxième conférence Fikra, à Alger, en 2014.
Une stratégie qui se résume en un mot : colocalisation. « En rassemblant la production de deux sites, l’un en Europe et l’autre en Algérie, Cevital crée une unité de taille internationale, capable d’être compétitive sur le marché mondial », explique Hassan Haddouche, consultant bancaire.
Les bureaux d’études restent localisés dans l’entreprise européenne d’origine, tandis que la fabrication et les unités de production sont installées ou délocalisées en Algérie.
« Les bureaux d’études restent localisés dans l’entreprise européenne d’origine, tandis que la fabrication et les unités de production sont installées ou délocalisées en Algérie », précise-t-il. La colocalisation est un gage de création d’emplois, dans une Algérie qui souffre encore d’un taux de chômage élevé. Ainsi, selon Cevital, l’usine Brandt, qui ouvrira l’an prochain à Sétif devrait recruter plus de 7 000 salariés.
Le capitaine d’industrie n’a en revanche pas encore pris pied en Afrique subsaharienne. Depuis 2010, le groupe a pourtant annoncé des projets de reprise de sucreries au Soudan, en Éthiopie et au Kenya, puis un projet de pôle agro-industriel et logistique en Côte d’Ivoire. Mais rien ne s’est encore concrétisé, Issad Rebrab évoquant des « lourdeurs bureaucratiques ».
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