Tunisie : de Nidaa Tounes à Donald Trump, ce qu’il faut retenir de l’interview du président Béji Caïd Essebsi
Dans une interview diffusée le 22 novembre sur la chaîne de télévision privée El Hiwar Ettounsi, le président tunisien Béji Caïd Essebsi a fait le point sur l’état du pays.
Pour sa première grande intervention télévisée depuis l’annonce d’un projet de gouvernement d’union nationale, le 2 juin 2016, il s’est exprimé sur l’actualité nationale et internationale. « Chaque gouvernement, quel qu’il soit, est critiqué et critiquable, surtout lorsqu’il tente de changer les choses », explique-t-il. Retour sur les principaux sujets évoqués et commentés par le président de la République tunisienne.
- Gouvernement de Youssef Chahed
« Plusieurs partis politiques souhaitent l’échec du gouvernement », a déploré Béji Caïd Essebsi au sujet du manque de soutien politique au cabinet de Youssef Chahed, qui a pourtant obtenu la confiance du parlement avec 168 voix. Le gouvernement devrait bénéficier de l’appui des partis qui ont voté en sa faveur, d’autant que « la situation détériorée dans le pays recommande à tous de le soutenir », affirme le président.
- Gel des augmentations des salaires
Concernant le bras de fer entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne de travail (UGTT) à propos du gel des augmentations de salaires dans la fonction publique, Béji caïd Essebsi explique ne pas vouloir intervenir en sachant que « les négociations se poursuivent et devraient aboutir à un compromis acceptable pour tous. » Au souhait du chef du gouvernement de reporter à 2018 les augmentations salariales des fonctionnaires, la centrale syndicale avait opposé un « non » catégorique, menaçant de nouvelles manifestations et d’une grève générale avant le 8 décembre. Mais le président s’est voulu rassurant et confiant : l’UGTT « ne décrétera pas la grève générale et trouvera une solution avec le gouvernement », car la « persistance du différend est nuisible au pays. »
- Loi de finances 2017
Au sujet du projet de loi de finances 2017 qui prévoit des mesures draconiennes, le chef de l’État a reconnu que « le gouvernement a été lié par des délais constitutionnels et n’a donc pas eu le temps d’en discuter avec toutes les parties concernées. » Il estime néanmoins que ce projet de loi « aurait pu être pire » et que son adoption « n’est pas une bizarrerie mais un moindre mal. »
- Crise au sein de Nidaa Tounes
Le président de la république, fondateur du mouvement Nidaa Tounes – qui passe par une profonde crise -, a déclaré être « concerné » par l’avenir du parti mais ne pas pour autant interférer dans ses affaires. Mais « lorsque les partisans de [Nidaa Tounes] feront preuve de raison, ils me trouveront à leur côté et je répondrai favorablement à leurs demandes d’intervention pour trouver une issue [à la crise] au sein du parti », a-t-il indiqué, rappelant ne pas vouloir prendre « parti pour une faction au détriment de l’autre. » Cette précision vaut notamment pour les 14 députés l’ayant contacté récemment en menaçant de démissionner du mouvement.
Interrogé sur le fait que son fils Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif du parti, puisse être la cause de la crise, le chef de l’État botte en touche, agacé d’être constamment rappelé à ce lien filial qui n’aurait pas influé selon lui sur la carrière politique d’Hafedh. « Je ne suis donc pas concerné par ce qui se dit à son sujet ou sur les tentatives de le déloger du parti. »
- Affaire Lotfi Naguedh
Au sujet de l’affaire Lotfi Naguedh, un responsable de Nidaa Tounes mort en 2012, Béji Caïd Essebsi a fait savoir que le verdict de non-lieu pour les accusés de sa mort, « a été un choc » pour lui. « Je respecte toutefois l’indépendance de la justice, mais cela ne m’empêche pas de porter un jugement sur cette affaire », a-t-il ajouté.
- Élection de Donald Trump
Et que pense-t-il de la victoire de Donald Trump ? « Les relations entre la Tunisie et les Etats-Unis d’Amérique remontent à 1776. […] Rien ne peut porter atteinte à ces relations », a-t-il affirmé.
Béji Caïd Essebsi a également tenu à rappeler que « la Tunisie est souveraine et celui qui veut l’aider ne doit pas s’attendre à la diriger à notre place », soulignant qu’il « n’est pas nécessaire que je sois un ami de Trump, il suffit que les relations entre les deux pays soient bonnes. » Il a aussi déploré le fait que « certaines parties de la société rejettent les relations avec les États-Unis sur une base idéologique. »
- Limogeage du ministre des Affaires religieuses
Au sujet des déclarations de l’ancien ministre des affaires religieuses Abdeljalil Ben Salem sur le wahhabisme en Arabie saoudite, qui lui ont coûtées son poste, le chef de l’État a souligné qu’il faut « prendre en compte l’intérêt de la Tunisie. » « Il n’a pas été limogé pour ses propos sur l’Arabie Saoudite, mais parce qu’il n’a pas respecté la politique du gouvernement », a-t-il précisé, ajoutant que « les relations avec l’Arabie saoudite ne sont pas nouvelles et il importe d’éviter de porter de telles accusations. »
- Instance vérité et dignité
« Le président de la République n’est pas tenu d’être présent à tous les évènements », a déclaré Béji Caïd Essebsi pour justifier son absence aux premières auditions publiques de l’instance vérité et dignité (IVD) les 17 et 18 novembre. « De toute façon cette instance n’accorde pas d’importance au président de la République et travaille en toute indépendance », a-t-il insisté en précisant avoir suivi les témoignages à la télévision.
- Base militaire américaine en Tunisie
Concernant les questions autour d’une prétendue base militaire américaine en Tunisie, il a démenti l’information : « Les Américains ne veulent pas de base de ce type en Méditerranée car ils comptent sur leurs porte-avions et leurs navires de guerre. » Il n’a néanmoins pas nié l’utilisation de drones, expliquée par la présence de « 70 militaires américains en Tunisie » pour une mission d’entraînement des forces armées tunisiennes.
« Ces appareils ne sont pas offensifs et leur usage se fait dans le cadre d’un accord bilatéral stipulant l’échange des informations et la mise à la disposition de la Tunisie des appareils à la fin de leur mission, ainsi que la maîtrise des forces militaires tunisiennes de leur utilisation », a-t-il précisé. Pour lui, l’accord conclu pour l’utilisation de ces drones « a pour objectif de défendre la Tunisie d’une menace en provenance des frontières libyennes sans menacer aucun autre pays voisin, notamment l’Algérie sœur. »
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