Pétrole, pipelines et pourparlers, la difficile équation du delta du Niger
Malgré le cessez-le-feu signé avec le principal groupe des Vengeurs du Delta du Niger (NDA), les pourparlers entre le gouvernement et les groupes rebelles n’avancent guère et les attaques sur les installations pétrolières continuent. Une menace persistante sur un secteur déjà miné par les cours du brut.
Le 20 août 2016, les rebelles des Vengeurs du Delta du Niger (NDA) annonçaient sur leur site web qu’ils déposaient les armes et rentraient en négociation avec le gouvernement nigérian, après huit mois de sabotages dans le sud pétrolifère du pays qui ont mis l’économie du Nigeria à genoux. L’optimisme était alors de mise.
Le secrétaire d’État pour le pétrole, Emmanuel Ibe Kachikwu, assurait même début novembre que la production était presque revenue à son niveau normal (2,1 millions de barils/jour), après près d’un an d’attaques dévastatrices. Mais le tableau est en réalité bien plus sombre qu’il n’y paraît : malgré les pourparlers, les attaques n’ont pas cessé.
Récentes attaques
De nouveaux sabotages ont ainsi eu lieu quelques heures après la rencontre à Abuja entre le président Muhammadu Buhari et des représentants des militants du delta du Niger le 1er novembre. Le même jour, l’oléoduc de Trans-Forcado explose, 48 heures après sa réouverture.
Le 5 novembre, le même oléoduc est de nouveau frappé, cette fois par le Mandat de justice des terres vertes du Delta (NDGJM), un groupe dissident qui a intensifié ses attaques ces derniers mois. Mi-novembre, les NDA affirmaient encore avoir fait sauter trois lignes d’approvisionnement dans l’État de Bayelsa, pour protester contre l’occupation militaire de la région par la marine nigériane.
Pression sur les négociations
Véritable guerre ou technique de négociations ? Selon Charles Swabey, analyste pétrole et gaz à BMI Research, l’objectif des militants est de maintenir la pression sur les pourparlers et de montrer qu’ils ont la capacité de continuer. « Les troubles dans le Delta vont se poursuivre malgré les discussions en cours avec le gouvernement », estime ainsi le chercheur.
Selon lui, la production pétrolière nigériane devrait atteindre les deux millions de barils par jour en moyenne en 2017. « Les récentes attaques ont des conséquences plus limitées sur la production, qui a augmenté ce mois-ci », affirme-t-il.
Les rebelles ont d’autant plus besoin d’accentuer la pression que les pourparlers sont mouvementés. Les revendications des groupes opérant dans le sud pétrolier sont ainsi multiples, allant d’un meilleur partage des revenus tirés de l’or noir à une autonomie politique régionale. Quant au crédit donné à Muhamadu Buhari dans la région, il est, en revanche, singulièrement faible.
Méfiance envers Buhari
Le président, musulman originaire d’une ville frontalière avec le Niger, au Nord, suscite en effet une profonde méfiance dans cette zone du sud très pauvre. D’autant qu’en marge des négociations, l’armée nigériane a lancé en août l’opération Crocodile Smile, afin de reprendre le contrôle sécuritaire du hub pétrolier de Warri. Cette présence militaire crée des tensions au sein de la population, coincée entre des militants violents et des soldats lourdement armés.
Certains habitants estiment en outre être punis parce qu’ils n’ont pas voté en faveur du Congrès progressiste (ACP), parti du président Buhari lors de la présidentielle de mai 2015. « Il n’y a aucune volonté d’arriver à quoi que ce soit avec cette supercherie qu’on appelle les pourparlers de paix », a déclaré à l’AFP un activiste du delta du Niger, Annkio Briggs.
D’autres encore pensent que l’engagement de Muhamadu Buhari à mener des grands travaux (routes, ports, chemins de fer…) dans le delta du Niger est une chimère dans le contexte de la crise économique. Il faut dire que, du fait de la chute des cours du brut, l’économie du pays, et sa monnaie, se sont effondrées et que le Nigeria est aujourd’hui en récession.
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