France : pour Emmanuel Macron, la colonisation inclut « des éléments de civilisation et des éléments de barbarie »
Pour les candidats à la présidentielle française, aspirants ou déclarés, la prise de position sur la colonisation semble un passage obligé. Dernier en date, Emmanuel Macron a parlé mercredi d’ « éléments de civilisation et […] de barbarie ».
Le tout frais candidat à la présidentielle française de 2017 était interrogé par l’hebdomadaire Le Point.
« Oui, en Algérie, il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un État, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie », a plus précisément déclaré l’ancien ministre de l’Économie, qui s’exprimait alors sur les tirailleurs sénégalais.
« Je place pour ma part aux côtés des soldats de l’An II, les tirailleurs sénégalais, les résistants étrangers, tous ceux qui ont fait la France sans être nés français, voire sans être français du tout », explique-t-il, en précisant que, pour lui, l’histoire de France tenait du roman national, avec « de belles et de mauvaises histoires ».
Un « partage de culture », selon Fillon
Les déclarations d’Emmanuel Macron n’ont pas manqué d’être reprises par la presse algérienne et de faire polémique sur les réseaux sociaux, où les internautes dénoncent l’évocation d’une « barbarie positive » et des « bienfaits de la colonisation ».
Autre absurdité, selon l’historienne française et militante très présente sur Twitter Mathilde Larrere, parler de l’émergence d’un État dans ce qui était à l’époque cantonné au statut de département français. « Ce qui a permis l’État, c’est justement la décolonisation », explique-t-elle.
Alors alors....
— Mathilde Larrere (@LarrereMathilde) November 23, 2016
Macron dans Le Point.... pic.twitter.com/lO9IJs66hI
Certains ont été plus loin qu’Emmanuel Macron. François Fillon, candidat à la candidature de la droite à la présidentielle de 2017, a récemment affirmé, au sujet de la colonisation, que la France n’était « pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord ».
Pour l’ancien Premier ministre, les années de colonisation ont ainsi également été des années de « partage de culture ». Un point de vue qui était, évidemment, très mal passé côté africain, comme le résumait notre dessinatrice Kam.
« Une cécité mentale », pour Bouteflika
Les déclarations de François Fillon et d’Emmanuel Macron ne sont pas sans rappeler les polémiques datant de 2005 en France. À l’époque, la ministre de Défense française, Michèle Alliot-Marie, avait présenté au Parlement une loi dont l’article 4 reconnaissait « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».
La formulation avait provoqué une vive polémique tant en Afrique qu’en France, au sein des cercles politiques et du milieu des historiens, qui estimaient que l’État n’avait pas à faire ingérence dans l’écriture de l’Histoire de France. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, avait notamment qualifié cette loi de « cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme ».
Il obtiendra finalement gain de cause : la référence à l’aspect positif sera finalement supprimée par décret sous Jacques Chirac, le 15 février 2006.
Sarkozy : « La France ne peut se repentir »
Illustration de la difficulté de la classe politique française à se positionner clairement sur la question de la colonisation, François Hollande rend hommage à Jules Ferry en 2012, tout en le condamnant.
« Tout exemple connaît des limites, toute grandeur à ses faiblesses et tout homme est faillible. En saluant la mémoire de Jules Ferry qui fut un grand ministre de l’Instruction publique, je n’ignore rien de ses égarements politiques. Sa défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit à ce titre être condamnée », explique alors le président français.
« Il faut être lucide sur notre passé pour nous tourner ensemble vers l’avenir. Personne ne peut occulter les pages d’Histoire qui ont lié la France et l’Afrique », déclarait quant à lui Manuel Valls, Premier ministre français à Jeune Afrique en septembre. « Personne ne peut oublier les moments sombres ou nier ce qu’a été le 8 mai 1945 à Sétif, personne ne peut oublier le drame de la guerre d’Algérie, les massacres, la torture, mais aussi le sort des harkis ou la répression de la révolte malgache de 1947 », ajoutait-il.
Quant à Nicolas Sarkozy, tout frais retraité de la vie politique (pour la seconde fois) abordant la guerre d’Algérie. il avait déclaré en 2012, alors qu’il était candidat à sa propre succession : « Des atrocités ont été commises de part et d’autre. Ces abus, ces atrocités ont été et doivent être condamnés, mais la France ne peut pas se repentir d’avoir conduit cette guerre. »
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