Ce jour-là : le 30 novembre 1974, le squelette de Lucy est découvert en Éthiopie

30 novembre 1974. Une équipe composée de scientifiques américains, éthiopiens et français réalise des fouilles dans le désert de l’Afar, au nord-est de l’Éthiopie. Ils cherchent et trouvent de nombreux ossements d’hominidés. Mais la découverte qu’ils font ce jour-là va bouleverser l’Histoire.

Le squelette de Lucy lors d’une exposition au Musée des Sciences Naturelles de Houston, aux États-Unis, en 2007. © Michael Stravato AP/SIPA

Le squelette de Lucy lors d’une exposition au Musée des Sciences Naturelles de Houston, aux États-Unis, en 2007. © Michael Stravato AP/SIPA

Publié le 30 novembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Cela fait deux ans que les Français Maurice Taieb (géologue) et Yves Coppens (paléontologue), accompagnés de l’Américain Donald Johanson (paléoanthropologue), ont fondé l’International Afar Research Expedition (IARE). Depuis 1972, ils organisent ainsi de nombreuses fouilles archéologiques dans de nombreux sites de la région de l’Afar, en Éthiopie. Les découvertes d’ossements s’enchaînent, mais sans jamais qu’ils puissent reconstituer, même en partie, un squelette d’hominidé – famille de mammifères partiellement ou totalement bipèdes dont fait partie l’espèce humaine.

Le 30 novembre 1974, dans un ravin proche de la rivière Awash, les chercheurs découvrent un nouveau site à explorer. Donald Johanson explique : « Nous avons traversé une zone que nous n’avions pas prospectée. J’ai jeté un coup d’œil et il y avait cet os. (…) Ce n’était pas un singe ».

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Un squelette pour la postérité

Le principal intérêt de la découverte, pour le grand public tout du moins, réside dans l’ancienneté des ossements. À l’époque, c’est le plus vieux fossile d’hominidé jamais découvert, daté par les spécialistes à environ 3,2 millions d’années avant nous (Toumaï, vieux de sept millions d’années, n’a alors pas encore été trouvé)

Mais pour les scientifiques qui découvrent ces fossiles, il s’agit surtout du premier groupement d’ossements qui permet de recomposer en grande partie un squelette de cette époque. Plusieurs centaines de fragments d’os sont mis au jour, et avec les 52 clairement identifiables, ils permettent de former un squelette complet à 40%. Une vraie révolution.

D’autant que c’est aussi l’unique site où les fragments d’os proviennent d’un seul et même individu, aucun doublon n’ayant été trouvé au même endroit. Les scientifiques peuvent ainsi reconstituer la morphologie complète de Lucy même s’ils ne disposent pas de tous ses membres.

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« Lucy in the Sky with Diamonds »

Le premier nom donné au squelette est un code scientifique neutre et basique : « AL 288-1 », qui signifie tout simplement qu’il s’agit de la première découverte sur la localité de recherche n°288 de l’Afar. Grâce aux fragments d’os de fémur et de bassin, les scientifiques peuvent affirmer que ce squelette est celui d’une femme. Pour lui donner un nom un peu plus « vivant », les chercheurs vont être aidés par une cassette audio que l’un d’eux a emporté avec lui en Éthiopie.

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Le soir sous la tente, lorsqu’ils répertorient et marquent à l’encre de chine les ossements découverts, ils écoutent de la musique : soit la radio d’Addis-Abeba, soit des cassettes. Sortie en 1967 sur l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Bandune chanson revient souvent aux oreilles des chercheurs : Lucy in the Sky with Diamonds. Grâce aux Beatles, le squelette prend un nom qu’aujourd’hui tout le monde, ou presque, connaît : Lucy.

En amharique, la langue administrative d’Éthiopie, Lucy porte le nom de Dinqnesh, ou Dinknesh, qui signifie « tu es merveilleuse ».

Modélisation de "Lucy" lors de l'exposition en 2007 de son squelette au Musée des Sciences Naturelles de Houston, Etats-Unis. © Michael Stravato AP/SIPA

Modélisation de "Lucy" lors de l'exposition en 2007 de son squelette au Musée des Sciences Naturelles de Houston, Etats-Unis. © Michael Stravato AP/SIPA

Mère de l’humanité ou vieille cousine lointaine ?

Grâce aux études menées sur les ossements, on connaît ses mensurations les plus probables : elle mesurait entre 1m10 et 1m20 et pesait environ 25 kilos. De l’espèce des primates et de la famille des hominidés, elle est rattaché à l’espèce de l’Australopithecus afarensis, décrite et baptisée en 1978 par le bulletin scientifique Kirtlandia du Muséum d’histoire naturelle de Cleveland, aux États-Unis.

Si elle pouvait marcher sur ses deux jambes, Lucy ne possédait pas une bipédie totale. Et pour Yves Coppens, Lucy demeurait une excellente grimpeuse aux arbres, ce qui a peut-être causé sa mort vers l’âge de 25 ans.

Selon la théorie développée par Adriaan Kortlandt en 1982, dénommée « East Side Story » et popularisée par le paléontologue Y. Coppens, la séparation entre hominidés et grands singes serait due à la formation du Grand Rift en Afrique de l’Est. La forêt dense de l’ouest aurait favorisé le développement des grands singes – gorilles et chimpanzés – , alors qu’à l’est la région plus sèche aurait fait émerger la bipédie et donc les australopithèques.

Cette évolution géologique marquerait la séparation entre la famille humaine et celle des grands singes. Lucy est quant à elle une australopithèque, dont l’évolution serait différente de celle de l’Homo – ancêtre de l’espèce humaine –  et serait donc une cousine éloignée de l’homme moderne. Pour expliquer la transformation vers l’homme moderne, Coppens parle d’une évolution réalisée en « bouquet », et dont Lucy serait « une fleur », marquant une branche différente. Mais de nos jours, la théorie de l’ « East Side Story » est remise en question depuis que des squelette fossilisés ont été trouvés au Niger en Afrique du Sud.

Aujourd’hui, même si elle ne détient plus le record d’ancienneté dans la branche des hominidés, Lucy reste un mythe car elle demeure toujours considérée par le grand public comme « la mère de l’humanité ». Selon Coppens, sa notoriété doit beaucoup « au fait que c’est une femme. (…) Elle est devenue le symbole de la naissance de l’homme ». Aujourd’hui Lucy est conservée bien à l’abris des regards au musée national d’Éthiopie, à Addis-Abeba, ou une réplique de son squelette est exposée.

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