Pour un nouveau modèle économique de la presse africaine

Renforcer les capacités des États, rendre les gouvernements davantage comptables de leurs actes, lutter contre la corruption, améliorer la fourniture des biens publics : ces défis sont essentiels pour atteindre une croissance durable et inclusive dans les pays en développement, et encore davantage en Afrique subsaharienne.

Le scandale a fait les gros titres de l’ensemble de la presse marocaine. © Fadel Senna/AFP

Le scandale a fait les gros titres de l’ensemble de la presse marocaine. © Fadel Senna/AFP

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Publié le 6 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Une des conditions nécessaires pour un développement démocratique est l’existence d’une presse d’information jouant le rôle d’un puissant levier de contrôle.

Il serait difficile de soutenir que tous les pays de cette région ont une presse de masse. Ainsi, selon une récente étude réalisée par la Lumina Foundation dans le sud et le centre du Nigeria, seuls 13 % des individus lisent un journal national chaque jour. Le nombre de titres varie également beaucoup d’un pays à l’autre. Et l’existence d’un nombre élevé de périodiques ne reflète pas forcément la bonne santé du secteur.

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En RD Congo, alors qu’il y avait près de 700 publications recensées en 2012, moins de 250 paraissaient de manière régulière. Le journal ayant la diffusion la plus importante, Le Soft, diffuse seulement à 2 500 exemplaires. Au Tchad, le seul quotidien du pays, Le Progrès, est à 3 000 unités par jour. En Côte d’Ivoire, le journal gouvernemental Fraternité Matin vendait quotidiennement entre 13 000 et 16 000 exemplaires en 2010. à l’opposé, l’Afrique du Sud n’a « que » 43 quotidiens, hebdomadaires et bihebdomadaires, mais le Daily Sun atteint les 300 000 exemplaires par jour.

Dans leur grande majorité, les journaux de la zone subsaharienne ne sont pas rentables, si l’on s’en tient aux revenus issus des ventes et de la publicité. De nombreuses publications survivent grâce à la générosité de politiciens, ou par la pratique du « coupage », qui consiste à ne pas écrire un article en échange d’une contrepartie financière. La pratique est institutionnalisée, et un grand nombre de propriétaires de journaux embauchent des journalistes sans rémunération régulière, attendant d’eux qu’ils reçoivent de l’argent en écrivant des articles promotionnels ou qu’ils pratiquent le coupage.

Le journalisme rémunéré est aussi utilisé par certains gouvernements pour censurer ou limiter la critique, soit en coupant les budgets publicitaires liés au secteur public, soit en payant des journalistes via des per diem supérieurs à leurs salaires. Finalement, de nombreux journaux ne sont pas gérés comme de véritables entreprises.

Il existe pourtant des perspectives pour un nouveau modèle économique de la presse écrite subsaharienne. La première est la concentration actionnariale. Préconiser cette solution dans le domaine des médias peut susciter la controverse, la concurrence étant souvent vue – pour de bonnes raisons – comme une garantie de la liberté de la presse. Pour autant, la prolifération chaotique de médias de faible qualité peut être mauvaise.

Une première perspective est de favoriser la concentration actionnariale

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En raison de marchés publicitaires restreints et d’un pouvoir d’achat limité, de nombreux pays subsahariens ne peuvent compter qu’un nombre limité de médias, compte tenu du coût de production de l’information. En Afrique du Sud, l’une des raisons du récent succès de la presse écrite s’explique par la rationalisation du secteur. La majorité des publications sont détenues par quatre groupes : Naspers, Johnnic, Caxton & CTP Publishers et INM South Africa.

Une autre manière – et une meilleure solution – de profiter d’économies d’échelle plus importantes serait de développer des synergies entre journaux locaux, capables de diffuser en langues locales, et journaux nationaux. Le modèle économique des publications partageant leur rédaction peut être intéressant.

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Enfin, en l’absence de possibilité réelle de subventions gouvernementales, une solution alternative pourrait se trouver dans la philanthropie. Faire de médias indépendants à but non lucratif le centre du système – pourquoi pas avec le soutien de la communauté internationale – pourrait en effet constituer un pas important vers un modèle économique viable.

Étant donné le déclin des revenus publicitaires et le coût élevé de la production d’information, les marges bénéficiaires ne seront jamais plus élevées, ni en Occident ni en Afrique subsaharienne. Les pays africains devraient ainsi développer des journaux et des agences de presse sans but lucratif, et mettre l’accent sur la nécessaire indépendance des journalistes.

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