Raymond Tshibanda : « Que n’a-t-on pas fait pour que l’opposition puisse participer au dialogue en RDC ? »
Isabel Ruth Tshombe a remporté le morceau. La représentante du président congolais Joseph Kabila pour la francophonie a obtenu que la résolution du sommet de l’Organisation internationale francophonie sur le dialogue politique en RD Congo soit considérablement édulcorée. Le ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda était lui aussi présent.
La version initiale appelait « à l’approfondissement du dialogue national, dans une démarche véritablement inclusive », manière de dire que l’accord politique conclu par le pouvoir avec une partie de l’opposition était insuffisant. Cette formulation a été abandonnée au profit d’une déclaration beaucoup moins tranchante.
L’OIF se contente finalement d’inviter « toutes les parties prenantes congolaises au sens des responsabilités, afin de surmonter, de manière pacifique, dans une démarche inclusive, les difficultés liées à la gestion du calendrier électoral ».
Présent à Antananarivo, où il représentait la RD Congo, le ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda s’est confié à Jeune Afrique sur ce sommet où les autorités congolaise auront, finalement, été peu bousculées.
Que pensez-vous des conclusions de ce sommet en ce qui concerne la RD Congo ?
Raymond Tshibanda : Quand la Francophonie se réunit, elle passe en revue la situation politique dans tous les États membres où se déroulent des processus électoraux ou qui peuvent être en situation de crise. Il n’y a pas eu de focalisation sur le cas de la RD Congo, même si son cas a été évoqué.
Nous avons fait remarquer qu’il y a un processus en cours, qui est passé par la tenue d’un dialogue politique inclusif facilité par l’Union africaine (UA), auquel ont participé la majorité présidentielle, l’opposition et la société civile. Cela a donné une feuille de route, qui est la seule voie responsable pour l’organisation d’élections crédibles et apaisées. Nous avons appelé la Francophonie à saluer et soutenir cet accord.
Puisque une solution a été trouvée par les Congolais et qu’elle est appuyée par la région et l’UA, il faut lui faire confiance.
L’Afrique et toutes les institutions régionales auxquelles nous appartenons l’appuient. On ne peut prétendre mieux connaître la situation que les Congolais et leurs voisins, qui seraient exposés à des conséquences négatives chez eux s’il devait y avoir débordement en RDC. Il y a un principe de subsidiarité dans les relations internationales. Puisque une solution a été trouvée par les Congolais et qu’elle est appuyée par la région et l’UA, il faut lui faire confiance.
Est-ce que cet accord est définitif ? La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) continue de mener des médiations.
Nous l’encourageons à continuer pour que ceux qui n’étaient pas inclus dans le dialogue acceptent d’y adhérer. Ils peuvent le faire à tout moment. Mais vous pouvez plaider une cause juste, encore faut-il qu’en face on vous écoute et qu’on soit constructif. Des élections ouvertes à tout le monde, qui se déroulent dans la transparence et la sécurité, avec l’accès de tous aux médias, c’est dans l’intérêt de tout le monde.
Maintenant, vous connaissez comme moi le plan de ceux qui sont contre l’accord. Ils disent : « Attendons le 19 décembre, on chasse le président Kabila, on installe un nouveau Président… ». Il est important que les pays soi-disant partenaires du Congo, qui prétendent lui donner des leçons de respect de la Constitution, disent à ces gens : « Vous êtes dans un schéma insurrectionnel, ce que vous préconisez n’a rien à voir avec la Constitution. »
Certains pays membres de l’OIF, et représentés à ce sommet, ont demandé à ce que ce dialogue soit plus inclusif. Est-ce que cela a donné lieu à des débats ?
Bien sûr, chacun a exprimé son point de vue. Nous avons exprimé le nôtre. On sait que des gens, qui peuvent être encouragés par des forces qui ne sont certainement pas congolaises, veulent contribuer à la déstabilisation de ce pays. Ils veulent faire preuve d’extrémisme et refusent tout. Que n’a-t-on pas fait pour que ces gens puissent participer au dialogue ?
Certains réclament une cessation des poursuites contre l’opposant Moïse Katumbi par exemple…
En Belgique ou en France, un acteur politique dirait que pour participer au processus politique normal, il exige que telle personne passible de poursuites pour des crimes de droit commun soit libérée… Est-ce que cela serait acceptable ? Pouvons-nous dire que nous voulons un État de droit et accepter que des lois s’appliquent à certains et pas à d’autres ?
Nous avons montré par le passé que nous sommes toujours prêts à payer le prix pour parvenir à la paix. Mais que je sache, le dossier qui met M. Katumbi en difficulté n’a rien à voir avec l’État congolais. C’est une personne privée, de nationalité étrangère de surcroît, qui le poursuit pour spoliation de ses biens.
En tant que ministre des Affaires étrangères, je reçois régulièrement des dossiers de représentations étrangères pour des cas similaires. Je les transmets à la justice, pour que les propriétaires légitimes soient rétablis dans leurs droits. Alors, si l’on doit arrêter les procédures contre M. Katumbi, dois-je comprendre qu’il faut aussi arrêter toutes les autres ?
Quelle que soit l’attitude du Rassemblement de l’opposition, les poursuites contre M. Katumbi se poursuivront de toute façon ?
Je ne suis pas le pouvoir judiciaire. Mais je dis simplement que ceux qui soutiennent ce type de demandes doivent quand même réfléchir à deux fois. Il ne peut y avoir une justice pour le commun des mortels et une autre pour ceux qui sont en position acceptable.
Quelle est la raison de l’absence du président Joseph Kabila à ce sommet ?
Comme vous le savez, il est engagé dans la mise en œuvre de l’accord politique, et il y a urgence. Nous ne voulons pas donner l’impression que nous traînons des pieds. Donc, pour lui, c’est la priorité. Mais le pays a été représenté.
Aux Etats-Unis, l’administration Obama a gelé les avoirs de certains responsables congolais. Est-ce que vous vous réjouissez de l’élection de Donald Trump ?
Le peuple américain choisit ses dirigeants. Nous avons des relations d’État à État avec les États-Unis. Nous ne tirons pas de conséquence particulière. Nous travaillerons avec l’administration qui viendra.
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