Burkina Faso : Ouaga entre en danse

Encore secouée par les attentats de janvier dernier, la capitale du Burkina s’offre une respiration chorégraphique avec la dixième édition de Danse l’Afrique danse !

Image officielle du festival. © Capture d’écran de l’Institut français à Ouagadougou

Image officielle du festival. © Capture d’écran de l’Institut français à Ouagadougou

leo_pajon

Publié le 28 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

« Nous devons tenir tête à tous ces nouveaux visages du fascisme (…) La Triennale est une arme de construction massive pour bâtir un monde plus tolérant ! » Au micro, Irène Tassembédo, la femme forte de la danse burkinabè et coordinatrice de la nouvelle édition de Danse l’Afrique danse ! est copieusement applaudie. Et pendant les deux heures qui suivent, les rires et les cris de joie qui ponctuent la revue baroque et un peu surannée imaginée par la chorégraphe mêlant comédie musicale, danse moderne et acrobaties, sont autant de gifles infligées aux terroristes. Plus de 500 personnes, de nombreux professionnels (danseurs, chorégraphes, programmateurs…) mais surtout beaucoup de Ouagalais, venus en famille, assistent sous une nuit sans étoile à l’ouverture de l’événement sur les gradins installés à l’extérieur du Centre de développement chorégraphique la Termitière.

« La mémoire et la transmission »

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Le centre, à la fois espace de formation, de création et de diffusion, n’a sans doute jamais été aussi bien surveillé. Aux abords de toutes les grandes scènes du festival, des hommes armés contrôlent les entrées, les sacs sont systématiquement fouillés… Tout le centre-ville, d’ailleurs, est quadrillé par des forces de police et des agents de sociétés privées qui stationnent à l’aéroport ou devant les grands établissements touristiques.

Rien ne doit gâcher le bon déroulement de cette dixième édition du festival panafricain itinérant, biennale devenu triennale, qui a accompagné pendant plus de 20 ans la danse africaine contemporaine. L’événement, qui se poursuit jusqu’au 3 décembre, est centré sur « la mémoire et la transmission. » L’occasion de voir ou de revoir des « pièces du répertoire » africain comme Ti Chèlbè, de la chorégraphe Kettly Noël, originaire d’Haïti qui a choisi une danseuse tunisienne, Oumaïma Manaï, et un danseur malien, Ibrahima Camara, pour rejouer son spectacle. Conçue il y a près de 15 ans, la pièce évoque les rapports hommes-femmes et peut-être aussi les conflits entre générations de danseurs.

Dans cette édition qui voit se succéder monstres sacrés de la chorégraphie africaine (notamment la sénégalaise Germaine Acogny, ancienne compagnon de route de Maurice Béjart) et jeunes talents, le débat est persistant. Toute la question pour les nouveaux venus est de réussir à dépasser (et non oublier) les thèmes surexploités de l’exil, de la négritude, des méfaits de la colonisation, d’une certaine mythification du corps noir… pour se poser comme danseurs et chorégraphes avant qu’Africains.

C’est en tout cas un travail d’écriture original qu’encourage l’Institut français qui entend aujourd’hui, mission complexe, accompagner sans orienter le travail des jeunes créateurs. Entre les grandes éditions du festival, des « plateformes » annuelles, adossées aux festivals de Tunisie, du Cameroun, du Sénégal et du Mozambique, permettent désormais de mieux encadrer des projets « plus fragiles » grâce à de nombreuses résidences de création (17 ces deux dernières années). L’institut français confirme donc son influence sur l’évolution de la danse en Afrique francophone. Avec le grand mécène de l’événement, Total, il fournit le gros du budget : 300000 euros. La participation de la ville de Ouaga et du Ministère du Burkina sont pour leur part en retrait, conséquence probable des moyens à dégager pour sécuriser Ouaga.

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La création africaine semble en tout cas se libérer à en croire les spectacles proposés à l’Institut français pour l’ouverture. Le congolais Dorine Mokha (RDC) dans une « Lettre à Gus » poignante, évoquait notamment un épisode traumatique de son enfance, proche du viol. Tandis qu’un trio mené par la Malgache Gaby Saranouffi, avec Lady Lady, se contorsionnait en jupe courte, bas et talons hauts pour questionner les stéréotypes liés aux femmes… Pour les festivaliers face à ces spectacles mêlant expérience intime et sensualité, les violences perpétrées par Aqmi semblaient bien loin.

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