Samir Taïeb : « Le ministère de l’Agriculture n’est pas un ministère du Commerce bis »
La production agricole pèse lourd dans la balance commerciale de la Tunisie. Samir Taïeb, ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche compte bien pérenniser le secteur, en réconciliant production, transformation et distribution.
Jeune Afrique : L’agriculture est fondamentale en Tunisie, que manque-t- il à ce secteur pour progresser ?
Samir Taïeb : Il faut songer à la notion de filière, pour s’inscrire dans la continuité. Aujourd’hui, les agriculteurs produisent et des intermédiaires se chargent de la distribution des produits pour la vente directe ou la transformation. Jusqu’ici l’important était de pourvoir le marché à bas prix, or le ministère de l’Agriculture n’est pas un ministère du Commerce bis ; il doit pratiquer une politique de durabilité et de valorisation.
D’où la réflexion nécessaire en terme de systèmes agricoles et de filières, et la couverture de l’agriculture à l’agri-business. Il est anormal que la transformation ne s’effectue pas là où il y a production ; on ne peut pas, dans ce cas, parler de discrimination positive à l’égard des populations rurales et agricoles.
Nous axons les nouvelles stratégies pour résorber cette rupture dans la filière, et œuvrons également à ce que le Ministère, comme ailleurs dans le monde, devienne celui de l’Agriculture et de l’Alimentation ou de l’Industrie alimentaire.
Vous parlez de la nécessité d’avoir une vision, quel est son contenu ?
Le modèle de développement adopté jusqu’ici a marginalisé l’agriculture alors qu’elle en est au cœur. Nous avons effectué une approche en tenant compte de thématiques dont l’autosuffisance alimentaire, la gestion des ressources naturelles, le rajeunissement de la population agricole, les conditions des femmes rurales pour élaborer un plan d’orientation national.
Il est impossible de gérer en même temps la pêche, l’agriculture, la production, l’eau et les forêts.
Le ministère chapeaute des secteurs disparates ; nous nous occupons de l’eau mais elle est aussi bien dans les lacs, les barrages que dans la mer. Il en est de même pour les ressources forestières. L’idée est de réorganiser tout cela de manière cohérente. Les Commissariats régionaux de développement agricole ont été un modèle suivi depuis des décennies mais ils ont atteint leurs limites, car il est impossible de gérer en même temps la pêche, l’agriculture, la production, l’eau et les forêts.
L’idée est de les scinder, pour qu’aucun secteur ne soit sacrifié comme c’est le cas pour la pêche et les forêts actuellement. C’est aussi une manière de se réapproprier notre territoire et de ne pas le laisser aux mains des terroristes. Il s’agit de développer différentes approches respectueuses de l’environnement mais porteuses de projets responsable pour lutter contre la déforestation ou imposer une pêche raisonnée.
Tout cela est essentiel mais la Tunisie est en stress hydrique, n’est-ce pas un point essentiel ?
Nous entamons une politique pour rationaliser notre utilisation de l’eau, sachant que 70 % de nos ressources hydriques sont utilisés par l’agriculture. Nous continuerons à développer les barrages mais en parallèle, nous exploiterons d’autres sources non conventionnelles, via la mise en place de stations de dessalement d’eau de mer dont certaines seront mobiles, pour répondre aux demandes les plus pressantes.
La répartition des terres domaniales est un autre point problématique…
Effectivement, il a fallu d’abord récupérer les terres éparpillées après le 14 janvier. Nous préparons une première série de lots, soumis par appel d’offres à des investisseurs et nous créons des Unités de coopératives de production (UCP), lesquelles seront encadrées. Nous élargirons ensuite aux jeunes techniciens. Dans tous les cas, nous cherchons des solutions innovantes, participatives et souples permettant à tous, y compris à la société civile, de créer une dynamique locale et régionale. L’objectif est que l’agriculture revienne aux régions agricoles.
Quelle part aura l’agriculture lors de la Conférence Tunisia 2020 ?
Nous présentons 16 projets agricoles d’un montant global de 2,2 milliards de dinars, dont 7 projets publics et 9 projets dans le cadre du partenariat public-privé (PPP). Mais nous avons déjà enclenché les grands projets, avec la réalisation d’une station de dessalement de l’eau de mer à Sfax bénéficiant d’un financement japonais. Cela est de bonne augure pour les résultats de la conférence.
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