Nigeria : bonne chance, Jonathan !

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 12 décembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Février 2015 n’est plus loin, cher Jonathan. Vous êtes même déjà en campagne, car vous avez décidé de demander un nouveau mandat présidentiel aux Nigérians. Un droit légitime, tout compte fait. Seul un fou peut prétendre le contraire, n’est-ce pas ? Tant il est vrai que vous n’avez pas tripatouillé la Constitution de votre pays. Hommage vous soit rendu. Et chapeau bas ! Plaît-il ? Non, vous m’avez mal compris : je ne vous demande pas d’enlever votre chapeau noir. Oserais-je ? Chapeau bas est une expression française, et c’est juste vous exprimer mon admiration sur ce point précis.

Mais avez-vous un bilan à défendre, cher Jonathan ? Parce que la question vous sera posée. La réponse, je présume, sera celle qu’a donnée l’un de vos amis lors du sommet Afrique – États-Unis, en août dernier, à Washington. Je cite : "C’est bien que les gens essaient de mieux comprendre notre politique. Ils peuvent au moins voir les complexités. Jonathan ne peut pas claquer des doigts pour que les choses se réalisent. Il y a ce mythe d’un président tout-puissant assis à Aso Rock. Et l’ennui c’est que tout le monde y croit."

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Vous n’êtes donc pas un magicien, seul vous ne pouvez rien, comme disait feu le maréchal Mobutu. Soit. Mais votre pays est la première économie du continent. Le Nigeria est, de plus, le plus gros producteur et exportateur africain d’or noir avec l’Angola. Pourtant, oui pourtant, c’est encore un îlot de misère, malgré son nombre impressionnant de millionnaires, voire de milliardaires. Au dernier classement du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le pays le plus peuplé d’Afrique est classé vingt-troisième sur cinquante-quatre. Avouez que ce n’est pas glorieux. À moins que vous ne disiez, pour votre défense, qu’un mandat ne suffit pas pour changer le monde.

Laissez-moi vous rappeler que, en 2004, le Nigeria a ouvert un compte (ce que vous appelez Excess Crude Account) pour y placer les recettes excédentaires des exportations d’or noir, le projet étant de mettre le pays à l’abri des fluctuations des prix sur les marchés. Une idée qui valait tout son pesant d’or. En décembre 2012, et vous étiez déjà aux affaires, la manne s’élevait à quelque 9 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros).

Aujourd’hui, alors que le prix du baril ne cesse de dégringoler, la cagnotte ne pèse plus que 4 milliards. En toute inconscience, l’État fédéral s’est servi, oubliant une chose : après la belle vie vient la période des vaches maigres. Et nous y sommes. Allez-vous trouver, avant le 15 décembre, les milliards qu’exigent les gouverneurs de vos trente-six États pour payer les fonctionnaires et honorer les contrats ?

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Que dire de ces criminels de Boko Haram qui, se croyant encore au siècle du premier jihadiste du Nord, leur ancêtre Usman dan Fodio, n’ont cessé de vous faire tourner en bourrique, se livrant aux pires atrocités ? Comment comptez-vous vous y prendre pour leur rabattre le caquet une fois pour toutes, cher Jonathan ? Le temps presse. Convaincrez-vous les électeurs en février 2015 ? Vous n’aurez pas ma voix : je ne suis pas un citoyen nigérian. Mais, entre gentlemen, je vous dis en toute cordialité : bonne chance, Jonathan !

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