Maroc : annuler la gratuité de l’enseignement public, une idée qui ne passe pas
Le Conseil supérieur de l’éducation propose de limiter la gratuité de l’enseignement public au primaire et au collège. Au-delà, les familles qui ont les moyens devront payer.
La nouvelle avait provoqué d’intenses débats au Maroc avant d’être « recadrée » par un communiqué du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS). Mardi 29 novembre, cette institution créée par le roi du Maroc pour sauver l’enseignement public de la faillite a publié un communiqué démentant toute initiative de sa part visant à mettre fin à la gratuité de l’enseignement.
Lors de sa dernière réunion, les 21 et 22 novembre, le Conseil avait abordé la question du financement de l’enseignement. Sur la foi de déclarations en off, la presse marocaine avait alors rapporté qu’il était proposé de mettre fin à la gratuité totale de l’enseignement public.
Une nouvelle qui a choqué les Marocains, obligeant le Conseil à publier une mise au point : « L’enseignement dans le préscolaire, le primaire et le secondaire collégial (4 à 15 ans) restera bien gratuit », assure-t-il. En revanche, à partir du lycée (secondaire qualifiant) et jusqu’à l’université, les membres du Conseil proposent que les familles « aisées » s’acquittent des frais d’inscription, « une forme de solidarité nationale » dont le montant n’a pas encore été fixé mais qui « ne correspond pas au coût réel des études ».
Les familles nécessiteuses – elles seront identifiées ultérieurement – seront exonérées. « L’État ne privera personne de la possibilité de poursuivre ses études après l’enseignement obligatoire pour des raisons financières, si [les élèves et étudiants] disposent des compétences et acquis requis », assure le communiqué.
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L’école des pauvres
« Qui va payer ces frais ? Toutes les familles qui mettent leurs enfants dans les écoles publiques sont pauvres. Celles qui ont un peu les moyens ont déserté depuis longtemps pour aller dans le privé « , s’indigne Driss Bazzi, président de la Fédération nationale des parents d’élèves au Maroc.
Comme bon nombre de parents, il reproche aux responsables du secteur de l’Éducation leur incapacité à s’attaquer aux vrais maux de l’enseignement : l’abandon scolaire – entre le primaire et le secondaire, 200 000 à 300 000 élèves sont concernés chaque année -, les écoles publiques qui ferment les unes après les autres dans les villes faute d’élèves, sans parler de la surcharge des classes (60 élèves par classe dans certains villages). Une situation que les autorités imputent à l’augmentation des départs à la retraite chez les enseignants.
Même si le CSEFRS a uniquement un rôle consultatif, sa proposition d’annuler la gratuité de l’enseignement dans les lycées et les universités a, d’ores et déjà, les faveurs du gouvernement islamiste. En 2012, le ministre de l’Enseignement supérieur, Lahcen Daoudi (PJD), avait demandé aux riches de payer pour les pauvres. « Il faut en finir avec l’absurdité du tout-gratuit dans l’enseignement supérieur ! », avait-il déclaré. Son projet ne s’est pas concrétisé en raison de la levée de boucliers qu’il a suscité. Mais l’idée a, visiblement, fait son chemin chez ceux qui planifient la politique de l’enseignement. « La gratuité de l’Éducation nationale est un acquis depuis l’indépendance du Maroc et nous ferons tout pour le défendre », insiste le président de la Fédération nationale des parents d’élèves.
Beaucoup d’investissements, peu de résultats
La pilule aura en tout cas du mal à passer dans un pays où les experts s’accordent à dire que l’enseignement public souffre d’un problème de rationalisation de ses dépenses, et non de la gratuité de son service. Le Maroc investit 25% de son budget et 5,5% de son PIB par an dans l’Éducation, ce qui est largement au-dessus de la moyenne internationale, pour des résultats jugés médiocres. À plusieurs reprises, les institutions internationales ont appelé à « dégraisser le mammouth ».
L’État semble avoir démissionné d’un secteur où les écoles privées ont actuellement la vedette. Ces dernières évoluent dans des conditions anarchiques et leurs prix ne sont pas régulés. Mais elles restent la seule bouée de secours pour des milliers de parents qui consentent d’énormes sacrifices financiers afin d’assurer un meilleur avenir à leurs enfants.
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