RDC : Chez Ntemba, l’empire de la nuit version Augustin Kayembe
Le Lushois Augustin Kayembe règne sur une quarantaine de night-clubs à travers le continent. Son enseigne, Chez Ntemba est devenue une institution. Plongée dans l’univers des boules à facettes.
La RDC, un diamant brut
Avec ses millions d’hectares de terres arables, de mètres cubes de minerais précieux et ses ressources humaines, le pays a tout pour décoller. À condition bien sûr que les conflits cessent, que la gouvernance s’améliore vraiment, que les investisseurs reviennent. Et que l’avenir politique s’éclaircisse enfin.
Kin, Lubumbashi, Jo’burg, Le Cap, Lusaka, Luanda… Avec 39 night-clubs ouverts dans 11 pays d’Afrique centrale et australe, Chez Ntemba est une véritable institution. Pourtant, le patron de cette multinationale de la nuit, qui emploie environ 2 000 personnes (une cinquantaine par club), n’a pas été formé dans les grandes universités occidentales. Son école a été celle de la rue. « Mes parents n’avaient pas l’argent pour m’y envoyer », explique Augustin Kayembe, aujourd’hui âgé d’une cinquantaine d’années – par coquetterie, il ne sera pas plus précis. Sa success-story à la sauce moambe a commencé dans les années 1980, sur les trottoirs de Lubumbashi.
Adolescent, Augustin Kayembe rêve de travailler à la Gécamines, mais, pour gagner sa vie, il vend des boissons fraîches à la sauvette, avec sa glacière pour tout équipement, dans les rues de la capitale katangaise. L’activité se développe mieux que prévu et lui permet d’ouvrir un shebeen – un petit débit de boisson informel – pour vendre des bières Simba, que les habitués surnomment Kantemba Yetu (« Notre coin », en swahili), qui devient Chez Ntemba.
Chez Ntemba : Il fait danser les nuits africaines par Jeuneafriquetv
Il poursuit son expansion en Afrique du Sud
Le jeune Lushois ouvre alors un bar, puis sa première boîte, en 1987. Mais les exactions perpétrées par les soldats de Mobutu en 1991 le poussent sur les chemins de l’exil, vers Lusaka. Un mal pour un bien car, en Zambie, ses affaires prospèrent. Il y ouvrira successivement 17 établissements. Toutes les villes importantes y auront droit.
Si on se bouscule dans ses clubs, « c’est grâce à Dieu », affirme ce fidèle de la Synagogue Church of all Nations (Scoan) du pasteur nigérian TB Joshua. Mais c’est aussi grâce à la musique qui y est programmée. Il y a bien sûr les tubes de l’époque, comme ceux des Sud-Africaines Brenda Fassie ou Yvonne Chaka Chaka et, surtout, la musique congolaise, qui représente alors 80 % des titres diffusés Chez Ntemba. Cette programmation lui vaut en Zambie un surnom dont il est fier : The King of Rumba.
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Mais, déjà, Augustin Kayembe voit plus grand. C’est en Afrique du Sud qu’il poursuit son expansion. Lorsque l’apartheid prend fin, il s’y installe (aujourd’hui encore sa résidence principale est à Johannesburg), et des générations de Sud-Africains affluent dans ses clubs pour découvrir la musique congolaise dont ils ont si longtemps été sevrés. D’abord dans le centre-ville de Johannesburg, dans le quartier réputé mal famé de Hillbrow, puis dans celui, beaucoup plus chic, de Melrose. Aujourd’hui, c’est au Malawi que se trouve le plus grand de ses clubs, avec une capacité d’accueil de près de 3 000 personnes.
Ce n’est que sur le tard que Kayembe revient « ambiancer » les nuits congolaises. Géré par DJ Franck, son club de Kinshasa, dans le quartier chic de La Gombe (rond-point Forescom), est inauguré en 2000. Le succès est rapide. Après les Chez Ntemba de Lubumbashi, Goma et Kolwezi, il ouvrira un nouvel établissement à Bukavu dans les prochaines semaines et, en 2015, à Kisangani.
The King of Rumba devant son premier hôtel, ouvert à Johannesburg, en 2013.
© Myriam Asmani pour TAR
Organiser des concerts avec des stars « vendues »
Mais la RD Congo vaut aussi à Augustin Kayembe de nombreux problèmes. Le premier d’entre eux, ce sont « les combattants », ces opposants exilés, radicaux et volontiers violents. Présents, notamment, en Afrique du Sud, ces hommes l’accusent d’être proche du président Joseph Kabila et d’organiser des concerts avec des stars congolaises « vendues », selon leur expression, comme Koffi Olomidé ou Werrasson. « Tout cela est faux, se défend Kayembe. Je n’ai jamais rencontré Kabila et je n’ai pas d’amis ni de famille en politique. Le seul dont je suis très proche, c’est le gouverneur du Katanga [Moïse Katumbi]. C’est un frère. Mais c’est parce que nous avons grandi ensemble à Lubumbashi. »
Il en faudra plus, toutefois, pour freiner son ascension. Kayembe investit désormais dans l’hôtellerie. Après l’ouverture en 2013 d’un premier Chez Hotel Inn (trois étoiles) dans son fief de Melrose Arch, à Johannesburg, il veut se lancer sur ce créneau à Lubumbashi et à Kinshasa. Et ses clubs font toujours le plein. Les playlists se sont un peu diversifiées. On y programme aussi des artistes nigérians, ghanéens, les tubes internationaux… « Tout le monde chante aujourd’hui ! » résume Kayembe. Mais sa marque de fabrique restera, encore pour longtemps, la rumba congolaise.
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La RDC, un diamant brut
Avec ses millions d’hectares de terres arables, de mètres cubes de minerais précieux et ses ressources humaines, le pays a tout pour décoller. À condition bien sûr que les conflits cessent, que la gouvernance s’améliore vraiment, que les investisseurs reviennent. Et que l’avenir politique s’éclaircisse enfin.
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