Thaïlande : Madame-Sans-Gêne et sa caverne d’Ali Baba
Scandale à la cour : l’épouse du prince héritier est impliquée dans une vaste affaire de corruption. Bijoux, lingots, bois précieux… Bienvenue dans la caverne d’Ali Baba !
À Bangkok, le secret était bien gardé depuis plusieurs semaines. Après des révélations distillées au compte-gouttes par la police, la presse commence à laisser filtrer des informations. Prudemment. Ce secret, c’est l’implication de la princesse royale Srirasmi, épouse du prince héritier Maha Vajiralongkorn, dans ce qui apparaît comme le plus gros scandale de corruption que le pays ait jamais connu.
La prise est impressionnante : fin novembre, l’équivalent de 250 millions d’euros de biens ont été saisis dans des bunkers aménagés sous les demeures de sept membres de la famille de la princesse, dont sa propre mère. à coups de pelle mécanique et de marteaux-piqueurs, les forces de l’ordre ont défoncé les faux murs et les voûtes qui protégeaient ces cavernes d’Ali Baba.
L’étendue du réseau mafieux entretenu par la princesse a pris des allures de dangereux tremblement de terre.
Le trésor laisse sans voix : plus de 80 camions de bois précieux, des milliers de statuettes bouddhiques antiques, 24 lingots d’or, des titres de propriété, des pierres précieuses… Et pour ajouter à l’épais mystère, un haut fonctionnaire de la police, sur le point d’être arrêté pour management de casinos illicites et blanchiment d’argent, serait "malencontreusement" tombé d’une fenêtre.
Dans un vain effort de laver l’honneur de la couronne, le prince héritier a été contraint de révoquer le nom de famille honorifique (Akharaphongpreecha) octroyé à son épouse et à sa belle-famille lors de leur mariage, en 2001. Si l’éventualité d’un prochain divorce ne fera pas frémir le gotha siamois, l’étendue du réseau mafieux entretenu par la princesse a en revanche pris des allures de dangereux tremblement de terre.
Crime de lèse-majesté : quinze ans de prison
Du jamais-vu dans le royaume, pourtant régulièrement agité par des scandales de corruption. L’affaire est délicate, le moindre commentaire contre la monarchie étant susceptible de relever du crime de lèse-majesté, passible de quinze ans de prison.
Avec ce scandale qui éclabousse l’impopulaire prince héritier Vajiralongkorn, c’est la succession même du roi Bhumibol (87 ans), à la santé déclinante, qui est remise en cause. Une succession dont le général putschiste Prayuth Chan-ocha, qui a pris le pouvoir en mai, s’est fait le gardien suprême. Or, lui-même serait impliqué dans une autre affaire : son frère aurait en effet été arrêté pour détournement de fonds appartenant à l’armée.
Une situation inconfortable pour celui qui se voulait le pourfendeur de la corruption. Fin novembre, il avoue dans les médias que sa femme est elle aussi "dans une situation délicate". Mais avertit qu’il est "parfaitement inutile de creuser ce genre d’affaire". Pour David Streckfuss, spécialiste de la monarchie thaïlandaise, il y a donc peu de chances, tant que le roi est en vie, que le gouvernement militaire laisse place à une démocratie. "En attendant que la succession soit réglée, ajoute-t-il, rien de plus pratique pour bâillonner les Thaïlandais que le crime de lèse-majesté…"
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