Sarkozy : les barons de l’UMP défient le boss

À peine élu président de l’UMP, Nicolas Sarkozy s’attelle à renouveler le parti de fond en comble. Dans sa ligne de mire : l’organisation de la primaire et… l’Élysée. Mais Alain Juppé et François Fillon n’ont pas l’intention de lui laisser prendre le large.

Sarkozy répète à ses rivaux, Fillon et Jupé, d’être unis. © AFP ; Montage JA

Sarkozy répète à ses rivaux, Fillon et Jupé, d’être unis. © AFP ; Montage JA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 8 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Le 29 novembre, Nicolas Sarkozy a réussi la première étape de son retour en politique après sa défaite de 2012, en redevenant président de l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Remportant, dès le premier tour, la majorité absolue des suffrages des adhérents (64,5 %) devant Bruno Le Maire (29,18 %) et Hervé Mariton (6,32 %).

Et maintenant, objectif Élysée… Un "boulevard" pour lui, avec un François Hollande au plus bas dans l’opinion et un Parti socialiste décrédibilisé. Selon un sondage CSA publié dans Le Figaro le 3 décembre, si les élections législatives avaient lieu aujourd’hui, l’UMP alliée au centre s’adjugerait 500 sièges, ne laissant que quelques dizaines de circonscriptions à la gauche et au Front national. Du jamais-vu !

la suite après cette publicité

Nicolas Sarkozy est toutefois conscient que la victoire n’est pas encore à portée de main. Il a perdu vingt points par rapport à sa première élection à la tête de l’UMP en 2004 (il avait obtenu 85,09 % des voix). Pis, les barons de son parti s’opposent à son entreprise de reconquête. Certains en sourdine. Et trois d’entre eux ouvertement, puisqu’ils sont candidats à la candidature : deux anciens Premiers ministres, Alain Juppé et François Fillon, et l’un de ses ex-ministres, Xavier Bertrand.

Ce dernier ne l’inquiète guère si l’on en croit son appréciation peu flatteuse : "Un bon à rien." La haine que lui voue le deuxième, mais aussi son programme plus construit et par certains côtés plus droitier que le sien risquent de lui donner du fil à retordre, même s’il persiste à le traiter de "loser". Mais c’est le premier qui complique ses plans, car Alain Juppé est l’homme politique préféré des Français, alors que lui n’est que le préféré de ses militants. Il ne trouve à persifler qu’à propos de l’âge du maire de Bordeaux (69 ans) "Il me fait passer pour jeune".

Pour contourner les obstacles, l’ancien chef de l’État joue de son activisme légendaire.

Pour contourner ces obstacles, l’ancien chef de l’État joue de son activisme légendaire. "La tornade arrive ! On change tout", prévient-il. Ou encore : "Le boss est de retour." Ce qui signifie imposer son tempo et son leadership, refondre les statuts du parti, convoquer un congrès de l’UMP après les élections cantonales de mars 2015, doubler les effectifs des adhérents et changer le nom de cette formation politique. À marche forcée.

Ce qui signifie également poursuivre sur une ligne droitière en jouant de la xénophobie ambiante : "L’immigration menace notre manière de vivre", dans l’espoir de contenir les progrès du Front national. Et se féliciter bruyamment des projets de ses concurrents – "Plus il y a de talents, mieux c’est" – tout en les jugeant dangereux : "Si on est désunis, on perdra."

la suite après cette publicité

Fin manoeuvrier, Sarkozy a proposé de créer un comité regroupant les anciens Premiers ministres UMP pour le conseiller. Édouard Balladur a dit oui. Son ennemi juré, Dominique de Villepin, a mordu à l’hameçon. En revanche, Jean-Pierre Raffarin est plus que réservé, François Fillon a perfidement souligné que l’"union n’était pas la soumission" et Alain Juppé a rejeté le principe de ce "comité naphtaline".

Une primaire honnête, transparente, sincère

la suite après cette publicité

Nullement découragé, Sarkozy a entrepris de mettre dans son jeu son challenger Bruno Le Maire. Certes, celui-ci a refusé d’entrer dans l’équipe dirigeante du parti, mais il a accepté de venir avec lui, le 9 décembre, à Cologne, au congrès de la CDU allemande et de représenter l’UMP au sommet du Parti populaire européen (PPE), le 17 décembre à Bruxelles. Cette alliance apparente avec celui qui a fait un score remarqué (contre Sarkozy lui-même) donnerait un coup de vieux aux candidatures de Juppé et Fillon. Du grand art.

Reste le casse-tête de la primaire. Celle qu’avait organisée le Parti socialiste en 2011 pour désigner son candidat à l’Élysée ayant été un franc succès, avec plus de 2,5 millions de votants, l’UMP a inscrit dans ses statuts le principe d’une telle élection à l’américaine. Les barons et même Bruno Le Maire, que Nicolas Sarkozy a reçus de façon ostentatoire, lui ont surtout parlé de celle-ci et de leur volonté qu’elle se passe de manière honnête et transparente – "sincère", a ajouté Alain Juppé. Pour les rassurer, le patron de l’UMP a chargé Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine et proche de Le Maire, d’organiser ce scrutin.

Mais tout reste à décider. Qui pourra se porter candidat ? Qui pourra voter ? Comment financer une élection coûteuse pour un parti qui a frôlé la faillite ? Choisira-t-on le vote papier ou électronique ? Sarkozy préférerait que le corps électoral soit limité aux adhérents de l’UMP, ce qui lui assurerait la victoire. Tous les autres veulent qu’il englobe au moins les centristes, sinon la totalité des électeurs français. Sarkozy estime que les adhérents du Modem de François Bayrou, qui a appelé à voter pour François Hollande en 2012, devraient être exclus de la primaire, car le Modem "est avec la gauche le matin et avec la droite le soir", dit-il. En fait, il tente de priver Alain Juppé des avantages de son rapprochement avec Bayrou, qu’il a soutenu dans sa conquête de la mairie de Pau.

>> Lire aussi : à l’UMP, le naufrage guette

Problème : Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, la principale formation centriste, a prévenu que, sans le Modem, son parti n’y participerait pas, car "il n’a pas vocation à choisir entre deux candidats UMP".

Pour ajouter à la confusion, Alain Juppé et François Fillon ont annoncé qu’ils se présenteraient à la présidentielle sans étiquette si la primaire leur semblait truquée au profit de Sarkozy. Or une multiplication des candidatures de droite émietterait leurs voix et mettrait en péril la présence du candidat UMP au second tour face à un Front national en grande forme.

Le "boulevard" qui, sur le papier, attend l’ancien président est donc semé d’embûches politiques. Sans parler des embûches judiciaires, notamment le scandale Bygmalion et les fausses factures émises par cette société pour financer la campagne électorale du candidat Sarkozy en 2012. Justement l’UMP s’est portée partie civile contre des pratiques qui ont profité à celui qui la dirige à nouveau. Embrouilles toujours…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires