Centrafrique – Martin Ziguélé : « Le dialogue, oui, l’impunité, jamais ! »
Martin Ziguélé, ancien Premier ministre d’Ange-Félix Patassé, est l’un des plus sérieux candidats à l’élection présidentielle de 2015 en Centrafrique. Ses priorités : la paix, la réconciliation et l’emploi.
Sans surprise, la candidature de Martin Ziguélé, 58 ans, à l’élection présidentielle prévue en juin et juillet 2015 a été avalisée par son parti, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), lors d’un grand meeting organisé le 22 novembre à Bangui. Candidat malheureux en 2005 et en 2011, l’ancien Premier ministre (2001-2003) est probablement, avec son prédécesseur Anicet Georges Dologuélé, l’un des plus sérieux prétendants au trône. Entretien.
jeune afrique : Vous êtes candidat à la présidentielle. Quels seront les grands thèmes de votre campagne ?
MARTIN ZIGUÉLÉ : Elle sera axée sur la réconciliation. Il faut démarrer le dialogue à la base, dans les villes de l’intérieur du pays, avant d’amorcer un mouvement national. Sans cela, le forum de Bangui [qui doit permettre un dialogue politique entre les acteurs de la crise], en janvier, n’apportera rien.
La Centrafrique est un pays qui a des ressources. Son seul problème, c’est la prédation. Nous sommes 4,7 millions d’habitants, nous avons du diamant, de l’or, de l’uranium. Que demander sinon la paix, la réconciliation et l’emploi ? Les jeunes qui ont pris les armes devraient être au travail. C’est pour cela que la Centrafrique a besoin d’un plan Marshall, avec un programme de grands travaux et une politique keynésienne pour relancer et stabiliser notre jeunesse.
La gestion de tous les régimes, qu’il s’agisse de François Bozizé, de Michel Djotodia ou d’Ange-Félix Patassé, doit être soumise à un audit.
Un autre aspect fondamental sera de reconstruire une armée et de savoir qui fait quoi en matière de sécurité. D’un côté, les forces internationales se voient comme des armées d’interposition et non d’imposition de la paix. De l’autre, les Faca [Forces armées centrafricaines] ne sont pas opérationnelles. Cela ne peut plus durer. Je ne crois pas une seule seconde qu’on puisse ramener la paix si les forces armées sont sur la touche.
Catherine Samba-Panza doit-elle diriger le pays jusqu’aux élections ?
C’est souhaitable. Aujourd’hui, la majorité des acteurs centrafricains considèrent que toute instabilité à la tête de l’État ralentirait le processus électoral.
Elle a été désignée présidente de transition en janvier 2014. Un an plus tard, a-t-elle rempli sa mission ?
Elle est arrivée dans une situation extrêmement délicate. Mais, encouragée par la communauté internationale, elle a fait une erreur politique en nommant un Premier ministre [André Nzapayéké] qui a mis en place un gouvernement de technocrates dans un contexte de crise politique aiguë. Résultat : cette équipe a été prise en otage par les forces rebelles, Séléka et anti-balaka, et a produit peu de résultats en huit mois. Les choses se sont un peu améliorées depuis le remaniement effectué en août.
La gestion du don octroyé par l’Angola à la Centrafrique [8 millions d’euros, dont une partie n’a jamais rejoint les caisses de l’État] vous a-t-elle inquiété ?
Sur le principe, nous sommes tous d’accord : les deniers de l’État doivent passer par le Trésor public. Mais je peux comprendre pourquoi, au vu de la situation, le gouvernement, pris entre deux feux, n’a pas respecté la procédure normale et a agi avec précipitation. Maintenant, nous attendons avec impatience le rapport de la Cour des comptes. C’est une question primordiale. La gestion de tous les régimes, qu’il s’agisse de François Bozizé, de Michel Djotodia ou d’Ange-Félix Patassé [dont Martin Ziguélé a été le Premier ministre], doit être soumise à un audit.
Noureddine Adam, l’ex-numéro deux de la Séléka, s’est rendu fin novembre à Brazzaville [Denis Sassou Nguesso est médiateur de la crise] dans la perspective du forum de Bangui. Lui, mais aussi Djotodia et Bozizé doivent-ils y participer ?
Je ne pense pas. J’estime que lorsqu’on a du sang sur les mains, il faut en rendre compte. Le dialogue n’est pas un prétexte pour consacrer l’impunité.
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Propos recueillis par Vincent Duhem
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