Le pétrole sera moins cher

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 10 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

L’année 2014 ne s’achève que dans trois semaines, mais 2015 occupe déjà tous les esprits. Je vous propose donc de commencer à nous interroger sur ce que promet de nous apporter l’année qui s’annonce.

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Elle confirmera sans aucun doute le contre-choc pétrolier intervenu au cours de ces derniers mois et dont nous commençons à toucher les bénéfices : les prix du pétrole et du gaz, sources principales d’énergie pour l’ensemble de la planète qui permettent à ses industries et à ses moyens de transport de fonctionner, ont baissé en moins de six mois d’environ 40 %.

Cette "révolution énergétique" a déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais ses immenses conséquences économiques et stratégiques ne vont se faire ressentir qu’en 2015 et au-delà.

Il me faut vous en parler.

Nous la devons au fait que les États-Unis se sont résolus, il y a quatre ans, à exploiter leur pétrole et leur gaz de schiste ; en 2015, ils produiront 10 millions de barils par jour (ou l’équivalent), autant que l’Arabie saoudite.

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Cette production s’ajoute à ce que les États-Unis extrayaient déjà de leurs puits et, par conséquent, ils ont presque cessé d’importer du pétrole et du gaz, et vont même commencer à en exporter.

Rares et chers jusqu’ici, apanage de quelques pays grands exportateurs et instrument de puissance du cartel des pays exportateurs de pétrole (l’Opep), les hydrocarbures sont désormais abondants, bon marché et mieux répartis.

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Les pays développés, qui en sont les plus gros consommateurs, connaissent, depuis 2008, une faible croissance économique et ont dû apprendre à réduire leur consommation.

Leurs besoins en énergie sont de ce fait plus faibles.

La baisse du prix de l’énergie est donc partie pour durer et, en tout cas, nous, consommateurs, sommes assurés d’en bénéficier pleinement en 2015.

En revanche, les pays exportateurs de cet "or noir", les plus peuplés d’entre eux en particulier et les plus dépendants de cette manne – Russie, Iran, Algérie, Nigeria, Venezuela – devront procéder à des "révisions déchirantes" et apprendre à vivre comme les autres.

De ce mal sortira, peut-être, pour certains d’entre eux, un bien…

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour eux : les réserves financières que la plupart de ces pays ont accumulées leur donnent le loisir de "voir venir".

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L’année 2015 sera donc celle des bienfaits de ce contre-choc pétrolier sur l’économie mondiale. Ils seront nombreux et sensibles, mais, à ce stade, il est difficile de les mesurer.

L’économie réalisée par les pays importateurs ? Elle est évaluée à plus de 3 milliards de dollars par jour et à plus de 100 milliards par mois !

Ceux d’entre eux, comme l’Égypte, qui consacraient jusqu’à 20 % de leur budget aux subventions des prix de l’énergie pour la rendre accessible aux plus modestes, verront leurs finances soulagées.

La baisse des prix de l’énergie est de nature à faire reculer l’inflation et à doper les taux de croissance économique dans les pays importateurs d’hydrocarbures : on en escompte un accroissement de 0,2 % du PIB mondial de 2015.


Croissance du produit intérieur brut mondial en 2015. (Sources : AIE)

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Ce contre-choc pétrolier aura-t-il des conséquences politiques ? Peut-être pas en 2015, première année pleine où il produira ses effets. Mais à moyen terme, très probablement.

L’argent du pétrole qui coulait à flots pouvait masquer la mauvaise gouvernance économique d’un pays, en atténuer ou en retarder les effets. Mais le Venezuela pourra-t-il continuer à être gouverné en dépit du bon sens avec un baril à 60 dollars ?

Le Nigeria pourra-t-il maintenir son taux de croissance annuel à 7 % et conserver le rang de première économie africaine qu’il a conquis en 2014 ?

Que diront les Algériens lorsque leur gouvernement commencera à puiser dans les réserves financières qu’il s’est constituées ?

Et le régime iranien, pourra-t-il tenir si le président que les Iraniens ont élu en 2013 n’obtient pas, en 2015, la levée des sanctions ?

Quant à Vladimir Poutine, c’est grâce au prix élevé du pétrole, qui a accompagné sa première arrivée au pouvoir en 2000, qu’il a pu être en mesure de parler haut et fort. Pourra-t-il rester aussi populaire auprès des Russes avec un pétrole dévalué, alors que la Russie en tire la moitié de ses recettes budgétaires ?

Il est permis d’en douter.

On n’a pas encore claironné que la baisse du prix du pétrole est le résultat d’un complot américano-saoudien pour mettre en difficulté leurs adversaires (russe, vénézuélien, iranien), mais cela ne saurait tarder.


Pétrole : les États-Unis supplantent l’Arabie Saoudite

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Dans son annuaire "The World in 2015", qui vient de paraître, notre confrère The Economist publie la carte ci-dessous de la croissance économique mondiale par continent en 2015 établie sur la base des meilleures prévisions disponibles.

Elle est sans surprise, mais la baisse du prix des hydrocarbures, non encore prise en compte, pourrait modifier quelque peu les performances respectives des importateurs et des exportateurs de ce qu’on n’appellera bientôt plus "l’or noir".

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