Football – Georges Leekens : « J’avais une dette envers l’Algérie »
À 67 ans, le Belge Georges Leekens est redevenu sélectionneur de l’Algérie au début du mois de novembre, treize ans après une expérience qu’il avait écourtée pour des raisons personnelles. Entre des débuts difficiles au Nigeria et avant la CAN au Gabon (14 janvier-5 février), le Flamand a longuement répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Imaginiez-vous un jour revenir en Algérie pour entraîner les Fennecs ?
Georges Leekens : Je vais peut-être vous étonner, mais oui. C’était dans un coin de ma tête. En 2003, après avoir qualifié l’équipe pour la CAN 2004, j’avais quitté l’Algérie pour des raisons personnelles. Mais je continuais de suivre cette équipe, et d’avoir des contacts avec Mohamed Raouraoua, le président de la fédération. J’avais beaucoup apprécié mon premier séjour en Algérie. Et quand le président m’a contacté pour savoir si j’étais intéressé pour un retour, j’ai accepté. J’étais sous contrat à Lokeren, mais mes dirigeants ont accepté de me libérer. J’avais une dette envers l’Algérie. Je suis heureux de retravailler dans ce pays.
Il y a une énorme attente autour de la sélection, de la part du public et de la presse, qui voient peut-être cette équipe plus belle qu’elle ne l’est vraiment…
Les supporters, les médias, ne sont pas nos adversaires, bien au contraire. Je sais qu’il y a beaucoup de pression en Algérie. Mais ce n’est pas à mon âge que cela va me faire peur (rires). J’ai été sélectionneur de la Belgique et de la Tunisie, j’ai entraîné en Turquie (Trabzonspor), les meilleurs clubs belges (Anderlecht, FC Bruges). La pression, je connais. Les gens veulent des résultats. Mais même après la défaite au Nigeria début novembre (1-3), ils ont vu que l’équipe avait montré de bonnes choses. Si les Algériens constatent qu’on travaille, qu’on a de l’ambition, ils seront avec nous.
Jouer en Afrique, ce n’est jamais simple
Vous êtes arrivé tardivement, après le départ de Milovan Rajevac, poussé vers la sortie par les joueurs…
Oui, je suis arrivé une semaine avant le stage de préparation… Ce qu’il s’est passé avant ne me regarde pas. Mais quand un entraîneur part, tout le monde est un peu responsable… Je suis tournée vers l’avenir. J’ai signé un contrat jusqu’à la CAN 2019. Il n’y a pas de clauses avec des objectifs à atteindre. Je suis ambitieux pour mon équipe, et cela signifie donc que je veux gagner le maximum de matches. Nous avons une CAN à disputer. La qualification pour la Coupe du monde 2018 est encore possible. Et j’ai établi mon programme de travail jusqu’à la CAN 2019. On sait qu’une équipe comme l’Algérie doit faire partie des meilleures du continent, car elle en a les moyens. Mais jouer en Afrique, ce n’est jamais simple.
L’Algérie est-elle à vos yeux une des plus talentueuses ?
Sans aucun doute. Mais le talent, ce n’est pas toujours suffisant. Il faut du travail, beaucoup de travail. Il y a une très belle génération, qui peut gagner des titres. Mais cela passera par beaucoup d’efforts. Je n’ai pas envie qu’on dise un jour que c’était une génération perdue. Alors oui, j’ai une belle équipe, talentueuse, mais on doit encore grandir.
Vous avez la réputation d’être un entraîneur à la fois cool et très exigeant, même dur…
C’est simple : je demande un engagement total dans le projet. Je veux des joueurs qui travaillent, qui soient positifs, ambitieux, qui soient fiers de porter le maillot de leur pays, car c’est un honneur. Si vous vous défoncez sur le terrain, vous avez le droit de perdre. L’Algérie a fait une belle Coupe du monde en 2014 ? Elle a atteint le deuxième tour face à l’Allemagne (1-2) ? Ok, c’est très bien, mais il faut en vouloir plus. On doit remonter au classement FIFA (38e au 24 novembre, NDLR). En 2003, lors de mon premier passage à la tête de cette équipe, il y avait du potentiel, mais pas autant qu’actuellement. C’est pour cela qu’on doit viser haut.
La vraie raison de mon départ en 2003, c’est que j’avais un désaccord avec la fédération
Viser haut, c’est gagner la CAN ?
Moi, je joue pour gagner. Nous irons au Gabon avec l’objectif d’aller le plus loin possible. Mais je sais par expérience qu’en football, tout peut arriver. Le meilleur comme le pire. En 2015, avec la Tunisie, nous avions été éliminés par la Guinée Equatoriale (1-2) à cause d’un penalty imaginaire. Cette année, l’Algérie aura comme adversaires le Sénégal, une des meilleures équipes d’Afrique, une très bonne Tunisie, et le Zimbabwe, qui n’est pas facile à manœuvrer. Notre réussite passera par une très bonne préparation. Par une implication totale, de tous les instants. La préparation débutera avec les locaux fin décembre, puis tout le reste de l’effectif à partir du 2 janvier. Mais dès aujourd’hui, je vais voyager en Europe pour aller voir des internationaux. Et aussi certains joueurs qui pourraient intégrer prochainement la sélection.
Êtes-vous parti de Tunisie en 2015 pour des raisons de sécurité, comme cela a été écrit ?
La vraie raison, c’est que j’avais un désaccord avec la fédération. Mais il est vrai aussi que l’attentat de Sousse (39 morts, 39 blessés en juin 2015) m’avait marqué… Ceci dit, aujourd’hui, êtes-vous plus en sécurité à Bruxelles ou à Paris qu’ailleurs ? Je n’en suis pas certain…
Vous avez 67 ans. Si tout va bien, vous resterez sélectionneur des Fennecs jusqu’à février 2019. Pourrait-il s’agir de votre dernier contrat ?
(Il éclate de rire) Mais si vous pensez à la retraite alors que vous êtes en pleine forme, en pleine activité, avec toujours la même passion, c’est tout sauf une bonne idée ! Je vous l’assure : plus je prends de l’âge, plus je suis ambitieux. Et plus j’aime le football !
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