En matière de pronostics sur la présidentielle française…
Permettez que je sois fière de moi : j’ai vu juste quant à la décision de Hollande de ne pas briguer un second mandat.
Le président français a renoncé en toute dignité, comme je le pronostiquais dans un récent article. Sauf que, maintenant, certains lecteurs me demandent de deviner le nom du prochain locataire de l’Élysée. Ils n’hésitent plus à m’appeler Pythie. Je les remercie – c’est trop d’honneur –, mais je leur rappelle deux choses. D’abord, je parie rarement quand il est question de politique, discipline qui n’est point mon fort.
Ensuite, je descends d’une autre lignée que la diseuse d’oracles grecque. Notre devineresse à nous, les Maghrébins, s’appelle Kahina, la Berbère dont le nom signifie en arabe « celle qui devine ». Je n’ai ni le talent ni les moyens de lire l’avenir, à moins de recourir à la méthode de ma mère, laquelle convoquait régulièrement sa voyante de service – réputée mariée à un djinn – qui lui filait les prévisions en douce. La dame exigeait de humer l’habit de la personne pour laquelle on sollicitait ses prédictions. Elle fourrait son nez dans l’étoffe, prononçait des phrases incompréhensibles puis livrait son pronostic.
Inutile de vous dire que je n’ai aucunement la possibilité de subtiliser la chemise fripée de Valls ni la veste impeccable de Fillon ; je me demande si Marine Le Pen a une odeur et si Macron est trop leste pour que je puisse l’attraper par la cravate. Exit la voyance à l’ancienne.
Je me demande ce que les élections françaises vont changer pour les Arabo-Franco-Berbéro-musulmans que nous sommes
Mais je peux m’aventurer à avancer que le désormais ex-Premier ministre se battra comme dans une corrida, que Fillon froncera ses grands sourcils pour ravir la vedette à la fille Le Pen, que Mélenchon fera son show – mais gratuitement –, qu’Alexandre Jardin retournera très vite à la littérature, etc. Et de toute façon, personnellement, je me demande ce que les élections françaises vont changer pour les Arabo-Franco-Berbéro-musulmans que nous sommes, pris en étau entre des islamo-gauchistes d’un côté, des extrémistes xénophobes, de l’autre.
Mieux vaut regarder ailleurs. C’est ce que je fais chaque fois que je cale sur la France. Je me mets à regarder de l’autre côté de la Méditerranée, vers la Tunisie. Surtout quand il y a une petite resucée de bonnes nouvelles et un trésor en vue. Il paraît, en effet, que mes compatriotes viennent de ramasser, en seulement deux jours, 19 milliards de dinars de promesses d’investissement, 15 milliards d’accords de crédit et près de 1 000 millions de dinars de dons. La plus belle loterie du siècle !
Il paraît aussi que, pour faire bonne figure, les grévistes ont suspendu leur mouvement et les chômeurs ont ri pour la première fois depuis cinq ans. Il paraît, enfin, que, à peine les généreux donateurs partis, l’on a commencé à compter. Et si les calculs sont bons, chaque tunisien pourrait empocher une centaine de millions de dinars. Wallah ! La nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre sur Facebook. Les Tunisiens ont vite bouclé leur budget et leurs projets. Première décision : ils iront tous en voyage en Europe. Et, bien sûr, il s’est trouvé quelqu’un pour préciser : « Si vous quittez tous en même temps, n’oubliez pas d’éteindre la lumière à l’aéroport ! » Les mauvais pronostics sont souvent plus amusants que les bons.
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