Centrafrique : opération Sangaris, un an après

Le 5 décembre 2013, des massacres entre civils poussaient la France à intervenir militairement en Centrafrique à travers l’opération Sangaris. Un an après, les tueries ont cessé, mais le pays est ruiné et déchiré.

Les soldats français de la force Sangaris patrouillent le 4 décembre 2014 à Bangui. © AFP

Les soldats français de la force Sangaris patrouillent le 4 décembre 2014 à Bangui. © AFP

Publié le 5 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Il y a tout juste un an, au matin du 5 décembre 2013, une explosion de haine embrase Bangui. Des centaines de cadavres jonchent les rues. "Les habitants proches de la morgue de l’hôpital communautaire ne pouvaient pas respirer l’air nauséabond de la putréfaction des cadavres. C’était en réalité l’enfer", se remémore Euloge Kendzia, informaticien, à l’évocation de ce terrible jours du mois de décembre 2013.

Quelques heures plus tard, après le feu vert de l’ONU, la France – ancienne puissance coloniale – lance l’opération Sangaris (2 000 hommes). Elle a pour objectif de casser la spirale de violences intercommunautaires née du renversement du régime de François Bozizé en mars 2013 par une coalition rebelle à dominante musulmane, la Séléka, dirigée par Michel Djotodia.

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Les exactions sans fin de combattants Séléka contre la population très majoritairement chrétienne du pays avaient abouti à la formation de milices d’auto-défense (pour l’essentiel formées de chrétiens), les anti-balaka, qui à leur tour ont attaqué les civils musulmans, contraints de fuir des régions entières. Ces violences ont fait plusieurs milliers de morts et plongé ce pays de 4,8 millions d’habitants dans une crise humanitaire sans précédent.

"Zorro"

Un an plus tard, trois forces internationales sont présentes en Centrafrique : Sangaris, Minusca (ONU) et Eufor-RCA (Union européenne). Les tueries ont cessé à Bangui mais la criminalité reste très élevée du fait de la profusion des armes et de la misère. En province, des bandes armées continuent de sévir dans un pays où l’État a disparu de vastes régions, après des décennies de troubles et d’incurie. "C’est la force Sangaris qui a abattu le gros du travail sécuritaire (…) Il reste que dans tout ce qui se fait par Sangaris et les autres forces internationales, les forces de défense nationales sont inexistantes", relève un officier des forces armées centrafricaines (FACA) sous couvert d’anonymat.

Paris voulait à l’origine une intervention brève, mais a dû revoir ses plans et souhaite désormais se désengager.

"Sangaris, pour moi, c’est Zorro", affirme Suzanne Nguéléndo, commerçante. "Nous étions en train de mourir comme des mouches. Nous étions massacrés par les ex-Séléka". Dans Bangui, "ce sont les soldats français de Sangaris, ajoutés à ceux de la force européenne, qui ont manœuvré pour que le ‘PK-5’ renoue progressivement avec les activités commerciales et une paix progressive", abonde Ahmed Boro Adam, un commerçant de ce quartier où s’étaient retranchés les musulmans de la capitale.

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Jeudi, à Bangui, le commandant de Sangaris, le général Eric Bellot des Minières, a estimé qu’"une normalisation [était] en marche", même si "les pics d’insécurité [existaient] encore". Quid de la suite ? "Une fois que la Minusca (qui doit atteindre quelque 12 000 hommes, ndlr) sera pleinement opérationnelle, nous réorganiserons notre dispositif avec une force peut-être plus ramassée, en réserve sans doute à partir de Bangui" mais qui restera pleinement coordonnée avec les forces internationales, a-t-il indiqué.

Paris voulait à l’origine une intervention brève, mais a dû revoir ses plans et souhaite se désengager, en raison à la fois du coût de l’opération et des besoins en hommes sur d’autres théâtres, notamment au Sahel pour lutter contre les groupes jihadistes.

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Un "semblant" de situation acceptable

Mais, même si les Banguissois apprécient d’avoir retrouvé "un semblant de retour à une situation acceptable", selon l’expression de l’ancien Premier ministre Enoch Dérant-Lakoué, le bilan de Sangaris ne fait pas l’unanimité. "Les forces françaises n’ont malheureusement pas réussi à ramener la paix en Centrafrique. (…) Le problème reste entier, les armes circulent, font des morts chaque jour. Cela nécessite une prise en compte de la dimension politique de la crise", déplore l’opposant Joseph Bendounga, président du Mouvement démocratique pour l’évolution et la renaissance de Centrafrique (MDREC).

Le régime de transition dirigé par Catherine Samba Panza – désormais contestée, alors qu’elle faisait l’unanimité lorsqu’elle a remplacé Michel Djotodia, contraint à la démission en janvier – ne peut s’appuyer sur une administration en ruines. Il doit s’en remettre à la communauté internationale pour reconstruire un État et organiser en théorie des élections (d’abord prévues en février) d’ici mi-2015.

"Tant qu’il n’y a pas un minimum de sécurité, le processus politique va rester bloqué. Si on veut changer le rapport de forces, il faut arrêter les gens, signaler qu’on ne tolère plus l’impunité, ne pas négocier avec des criminels", souligne Thierry Vircoulon, d’International Crisis Group (ICG). Or, ajoute-t-il, "il n’y a pas eu de désarmement à Bangui, alors que c’était le mandat premier de Sangaris. Le gouvernement est toujours sous la pression des groupes armés".

(Avec AFP)

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